Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
penjon. — la métaphysique de j. ferrier

gner les qualités des objets, et aussi nos perceptions, que nous connaissons seules directement ? L’erreur toutefois est moins dans cette distinction elle-même que dans l’application qu’on en fait et qui conduit directement à la contradiction formulée dans la cinquième contre-proposition. La psychologie s’est servi de cette distinction contre le prétendu idéalisme qui consiste à nier absolument l’existence du monde matériel ; mais comme cette réfutation repose sur une contradiction, il faut nécessairement y renoncer, et la division des qualités de la matière doit être abandonnée comme inutile, bien plus, comme opposée aux lois de la connaissance.

Bien qu’il y ait entre toutes les propositions de l’Épistémologie, une liaison rigoureuse, les cinq propositions que nous avons déjà exposées forment un premier groupe. La sixième introduit un nouvel ordre d’idées.

« Chaque connaissance doit contenir un élément commun à toute connaissance et un élément (ou des éléments) particulier ; en d’autres termes, chaque connaissance doit contenir un élément immuable, nécessaire, universel, et un élément changeant, contingent, particulier. Il n’y a pas de connaissance de l’élément immuable, nécessaire et universel, sans qu’il y ait en même temps connaissance de l’élément changeant, contingent et particulier, et réciproquement ; c’est-à-dire que la connaissance est toujours une synthèse de ces deux facteurs. »

Pour démontrer cette proposition, nous ne nous appuierons pas sur les précédentes, mais sur cette simple remarque que si les connaissances ne contenaient toutes un élément commun, on ne pourrait leur donner le même nom, et qu’on les confondrait toutes d’autre part, si elles ne contenaient aussi un élément particulier et variable. La nécessité de ces deux éléments n’est pas égale. Le premier, l’élément commun, est en effet doublement nécessaire : il ne peut être ni supprimé, ni changé ; le second, l’élément particulier, est simplement nécessaire : il ne peut être supprimé, mais il peut être changé.

Cette importante question du général et du particulier, a été mal comprise à l’origine de la philosophie ; on l’a traitée au point de vue de l’Être, au lieu de la traiter au point de vue du Connaître. Les anciens ont très-bien vu que la science poursuit l’un à travers le multiple ; mais ils sont allés trop loin, ils ont supposé que toute existence était aussi une synthèse du général et du particulier. Ainsi, pour Anaximène, l’air est un dans plusieurs, il est le principe commun à toute existence. Ces grossiers essais des premiers âges sont intéressants comme les plus anciennes manifestations d’une tendance