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Paul REGNAUD. — ÉTUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE

vivant (et non par un mort, comme dans l’hypothèse en question) et l’arbre venant aussi de graine se reproduit aussitôt après qu’il est mort. Mais si l’on arrache l’arbre il ne repousse plus, de quelle racine donc (puisqu’il en faut une) repousse l’homme abattu par la mort ? Celui qui est né ne renaît plus (ne repousse plus comme d’une racine) ; qui donc lui rend de nouveau l’existence ? C’est Brahma, qui est l’intelligence, la félicité[1]. »

Cette autre comparaison empruntée à la Chândogya-Upanishad (6. 12, 4-3) mérite aussi d’être citée. Uddâlaka Aruni voulant donner à son fils Çvetaketu une idée de la nature de Brahma lui dit :

« Cueille un fruit de ce nyagrodha (ficus indica). — Voilà, vénérable. — Ouvre-le. — Je l’ai ouvert, vénérable. — Qu’y vois-tu ? — Comme de petites graines, vénérable. — Eh bien ! ouvre une de ces graines. — Je l’ai ouverte, vénérable. — Qu’y vois-tu ? — Pas la moindre chose, vénérable.

( Il (Uddâlaka) lui dit : — « Ô mon ami, ce grand nyagrodha que voilà sort pourtant du germe ténu que tu ne peux apercevoir dans cette graine.

« Crois-moi, mon ami, cette particule que l’univers a pour essence, qui est le vrai (et qui est semblable au germe du nyagrodha) c’est l’âme universelle ; tu es cela, ô Çvetaketu[2]. »

Enfin, on trouve aussi parfois dans les anciennes Upanishads l’emploi de la méthode déductive qui devait prendre plus tard tant de développement chez les commentateurs, comme le syllogisme dans la scolastique du moyen-âge. C’est ainsi que les auteurs de la {{lang|sa-Latn|Brihad-Âran.-Up., voulant prouver la différence de condition de l’être* divisé en sujet et objet et de l’être comprenant en soi le sujet et l’objet unifiés, développent leur raisonnement en ces termes (4. 5, 15) :

« Là où il y a comme dualité l’un voit l’autre, l’un sent l’autre,

  1. Yathâ vrksho vanaspatis tathaiva purusho’ mrshâ, tasya lomâni parnâni tvag asyotpâtikâ vahih ; tvaca evâsya rudhiram prasyandi tvaca utpatah tasmât tad âtrnât praiti raso vrkshâd ivâhatât ; mâmsâny asya çakarâni kimâtam snâva tatsthiram, asthîny antarato dârûni, majjâ majjopamâ krtâ ; yad vrksho vrkno rohati mûlân navatarah punah, martyah svin mrtyunâ vrknah kasmân mûlât prarohati ; retasa iti ma vocata jîvatas tat prajâyate, dhânârûha iva vai vrksho ’njasâ pretya sambhavah; yat samûlam âvrheyur vrksham na punar âbhavet, martyah svin mrtyunâ vrknah kasmân mûlât prarohati ; jâta eva na jâyate ko ’nv enam janayet punah, vijnânam ànandam brahma.
  2. Nyagrodhaphalam ata âharetîdam bhagava iti bhindhîti bhinnam iti kim atra paçyasîty anvya ivemâ dhânâ bhagava ity âsâm angaikâm bhindhîti bhinnâ bhagava iti kim atra paçyasîti kim cana na bhagava iti. Tam hovâca yam vai somyaitam animânam na nibhâlayasa etasya vai somyaisho’ nimna evam mahânyagrodhas tishthati. Çraddhatsva somyeti sa ya esho’ nimaitadâtmyam idam sarvam tat satyam sa âtmâ tat tvam asi çvetaketo.