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delbœuf. — logique algorithmique.

idée claire, parfaitement définie. Il est possible qu’une idée soit définie dans l’esprit sans qu’elle ait pour cela sa définition exacte dans le langage, car on ne peut expliquer le sens de tous les mots par des mots. Ainsi la définition du nombre est impossible, mais comme nous savons tous ce que c’est qu’un nombre, cette circonstance n’empêche pas l’invention du signe. On ne peut définir le nombre, parce que, comme nous le dirons encore plus bas, il renferme quelque chose de réel. La réalité n’est susceptible que de description. De là, on ne peut définir l’objet d’aucune science ; la définition de cet objet est au contraire le résultat final de la science, si jamais une science pouvait être achevée.

Le signe est donc un mot, mais un mot qui ne peut avoir qu’un seul sens, non susceptible d’extension, de restriction, de métaphore ; il rend le même service que le mot dans l’expression de la pensée, et, comme lui, il l’aide à se former. Seulement, comme c’est un mot d’une précision absolue, il ne peut s’appliquer qu’à des idées d’une précision égale ; et les résultats de la réflexion sur ces idées sont à leur tour également précis et susceptibles d’être représentés par des combinaisons de signes, par des formules, qui ne sont que des propositions symbolisées.

Les sciences symbolisées portent sur des idées de cette nature ; de là, chez elles, l’emploi des signes. Les autres sciences n’étant pas dans ce cas, les signes, quand elles les emploient, n’ont qu’une valeur indécise et vague. La physique est en voie de se symboliser parce que l’on commence à se rendre assez bien compte de ce que peut être un agrégat de molécules, et de ce que sont les forces moléculaires qui y fonctionnent. La chimie est moins avancée, parce qu’elle ne sait pas encore au juste ce que c’est qu’une molécule c’est-à-dire un agrégat d’atomes. La physiologie est encore bien plus arriérée, car elle n’a, pour ainsi dire, aucune idée de ce que peut être une cellule. Or nous verrons que les idées fondamentales de la logique n’ont pas encore été toutes saisies avec la netteté et la précision indispensables, d’où l’impossibilité où l’on serait, avant une réforme préliminaire, de lui appliquer un système symbolique.

Nous venons de dire que les idées fondamentales de la science ne sont pas toutes susceptibles de définitions parlées. Les unes, qui correspondent à des choses, se prêtent seulement à des descriptions qu’on doit faire d’une fidélité absolue. C’est ainsi que l’on apprend à l’enfant ses premiers mots, des noms propres, en lui disant : Ceci est maman, ceci est papa ; cela est le chien, cela est le chat. Les autres, celles qui correspondent à des idées pures, ou à des combinaisons arbitraires d’idées, les idées conventionnelles, sont susceptibles de