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L’HYPOTHÈSE GÉOMÉTRIQUE


DU MÉNON DE PLATON




I. Outre le passage sur « le nombre nuptial » au livre VII de la République[1], il n’y a guères qu’un locus mathematicus de Platon, qui n’ait pas, jusqu’à présent, reçu d’explication réellement satisfaisante. C’est un endroit du Ménon[2].

Pour expliquer un mode de raisonnement qu’il emploie, Socrate montre quel usage en font les géomètres :

« Quand je dis : — examiner suivant une hypothèse, — j’entends ce procédé ordinaire aux géomètres. Qu’on les interroge sur une figure, (χωρίου), par exemple, qu’on leur demande s’il est possible d’inscrire « cette figure triangulaire-ci dans ce cercle-ci, (ἐς τόνδε τὸν ϰύϰλον τόδε τὸ χωρίον τρίγωνον ἐνταθῆναι), ils feront une réponse comme celle-ci : — Je ne sais pas encore ce qui en est, mais je pense que pour cette question il convient d’avoir une hypothèse du genre de la suivante. »

Ici vient l’endroit obscur dont voici le texte :

εἰ μὲν ἐστὶ τοῦτο τὸ χωρίον τοιοῦτον, οἷον παρὰ τὴν δοθεῖσαν αὐτοῦ γραμμὴν παρατείναντα ἐλλείπειν τοιούτῳ χωρίῳ, οἷον ἄν αὐτὸ παρατεταμένον ᾖ,

et où tous les commentateurs s’accordent à voir la condition pour que le triangle soit inscriptible dans le cercle. S’il en est ainsi, continue Socrate, « il en résultera telle chose, et telle autre, si cette condition n’est pas remplie. Cette hypothèse posée, je consentirai à te répondre sur ce qui en résultera pour l’inscription de cette figure dans le cercle, et à dire si cette inscription est possible ou non. »

II. Ce ne sont pas ici, comme pour le passage de la République, les explications complètes qui font défaut. Celles que l’on a données feraient presque la matière d’un volume[3], mais toutes celles qui méritent l’examen, autant que nous sachions, se heurtent contre de sérieuses difficultés.

Dans l’impossibilité de rapporter le texte au cas d’un triangle quel-

  1. Voir la Revue philosophique de février 1876.
  2. Platon, édition Didot, vol. I, p. 454, 1. 52, — p. 455, l. 4.
  3. Voir, dans la traduction de Cousin, une très-longue note. — Dans sa « dissertation philologique » de Platone mathematico (Bonn. 1861), C. Blass connaît vingt-sept essais. Disons en passant que ce « philologue » n’entend rien aux mathématiques.