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Les groupes d’unités sont différents entre eux : deux tas de noix, en supposant, bien entendu, que toutes les noix soient semblables, peuvent différer sous le rapport du nombre des noix qu’ils renferment. Étant donnés plusieurs objets égaux, ou censés égaux, combien de groupes différents puis-je former avec eux ? Alors l’expérience, et rien que l’expérience, vient me l’apprendre. J’ai un tas de noix et un panier vide. Je commence par mettre une noix dans mon panier, voilà le premier groupe ; je puise dans le tas, et mets dans le panier une seconde noix ; j’ai un second groupe ; et je continue ainsi jusqu’à ce que le tas soit épuisé. Je postule alors que je puisse former tous les nombres possibles en ajoutant ainsi successivement par la pensée l’unité à elle-même. Ce postulat dérive de l’hypothèse sur l’égalité absolue des unités, et en est la traduction pratique.

Composer les nombres, ce n’est, en réalité, qu’une façon de se rendre compte de leurs différences. De là résulte, par parenthèse, cette conséquence, que le plus petit des nombres est un, et non pas deux, comme on le dit parfois ; ce qui ne veut pas pourtant dire que l’unité est un nombre. L’unité et le nombre sont deux idées opposées et corrélatives comme le tout et la partie. Le nombre un est le nombre qui ne comprend qu’une unité.

On peut donc ranger les nombres par ordre de grandeur, et, quand ils sont rangés de cette façon, chacun d’eux surpasse d’une unité celui qui le précède. Le premier problème de l’arithmétique est cet arrangement des nombres ; et l’énoncé de la loi de cet arrangement est un théorème : on range tous les nombres par ordre de grandeur en commençant par l’unité et en ajoutant toujours une unité au nombre qui précède. Tout théorème est l’énoncé du résultat d’un problème, et c’est à ce titre qu’il est susceptible d’être démontré, c’est-à-dire prouvé.

Nous avons tantôt défini l’arithmétique la science des nombres. Cette définition a maintenant reçu un premier développement : l’arithmétique consiste, entre autres, à nombrer les nombres, et, à mesure qu’elle se développera, l’idée de nombre se complétera.

Les nombres peuvent-ils se composer autrement ? Tel est le second problème que l’analogie vient suggérer à l’esprit, et qui va donner naissance, par des développements successifs, à toutes les opérations. Or, je ne tarde pas à remarquer qu’au lieu d’ajouter l’unité à elle-même, je puis ajouter en une fois plusieurs unités ou un nombre à un autre nombre. Le nombre composé de cette façon, appelons-le somme ; le problème nous donne l’idée d’une opération : L’addition est une opération par laquelle, étant donnés les sym-