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ginaire de Gauss, les théories conçues dans le même sens de Riemann, d’Helmholtz sur la possibilité d’une étendue à quatre, à cinq dimensions, etc., sont sévèrement traitées par Dühring, qui renvoie d’ailleurs aux développements intéressants qu’il a donnés à cette question dans son Histoire critique des principes de la mécanique. Kant, par sa doctrine de la subjectivité des formes de la sensibilité, a ouvert la voie aux inventions chimériques d’une géométrie anti-euclidienne : il lui reste néanmoins le mérite d’avoir affirmé contre les mathématiciens la nature purement idéale de l’espace infini. Mais, contre Kant, contre Gauss et ses imitateurs, la philosophie de la réalité n’hésite pas à soutenir que « la mathématique des habitants des autres planètes repose sur les mêmes axiomes que la nôtre ; et que, d’une manière générale, les éléments de la pensée et de la représentation sont partout identiques chez les êtres intelligents, comme le sont les éléments qui entrent dans la composition chimique de tous les corps. » — Sur le temps, sur le mouvement géométrique, sur les objections des Éléates contre ces concepts, il n’est pas besoin d’entrer dans de longs développements après ce qui précède. — Nous arrivons maintenant aux catégories mécaniques, celles de la matière et de la force au sens mécanique. Remarquons bien d’abord que toute notre science, en ce qui concerne ces nouveaux concepts, repose sur les données de l’expérience : il en était tout autrement pour les catégories mathématiques. Qu’est-ce que la matière, qu’est-ce que la force ? La matière est le support de tout ce qui est réel (Der Träger alles Wirklichen). La force mécanique est un état de la matière (Ein Zustand der Materie). « Au changement dans les rapports des parties de la matière, correspond un changement dans les rapports des parties de la force mécanique : mais la quantité de la seconde n’est pas moins invariable que celle de la première, 73. » Il faut bien distinguer la force mécanique de toutes les autres forces : elle est, en effet, le fondement de ces dernières, sans être le moins du moins identique avec elles. Il est plus important encore de distinguer entre les deux acceptions du concept de la matière : entre la définition qu’en donne le physicien et celle du philosophe. Dans le premier sens, la matière n’est qu’une abstraction, et ne représente que « ce côté de la réalité qui, dans la mécanique rationnelle, vaut comme objet d’application des forces, 75. » Au sens philosophique, la matière c’est le principe substantiel permanent et fécond de toute réalité, à vrai dire « l’être absolu, » auquel tout le reste doit l’existence. Vouloir avec Kant réduire la matière aux deux forces de l’attraction et de la répulsion, c’est oublier qu’elle est le principe de toutes les forces, mécaniques et spirituelles, et qu’il ne faut voir dans les manifestations de ces forces diverses que « les états de la matière universelle ».

C’est restreindre le sens du mot loi, que de ne l’appliquer qu’aux rapports des phénomènes, des changements. La constance, l’identité des éléments substantiels de la réalité, ou des atomes, n’exprime pas moins