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la chaleur solaire par la théorie des météores est la seule application un peu spéculative que l’auteur ait cru pouvoir se permettre. Plus sage que ses imitateurs et ses disciples, il s’est sévèrement interdit toute généralisation prématurée sur la physique moléculaire. Il n’est pas d’ailleurs facile de déterminer avec quelque précision le rôle de la chaleur dans la consolidation progressive de la matière primitive. Comment mesurer les dimensions du noyau et des couches concentriques dans la masse en fusion ? Et surtout, comment expliquer l’apparition de ce noyau, de ces couches, enfin de leur mouvement rotatoire, au sein de la matière moléculaire, dans son état primitif d’universelle diffusion ? — Au milieu de toutes ces incertitudes de nos hypothèses, maintenons fermement le principe que notre science du présent est notre unique mesure dans l’explication du passé comme de l’avenir. Et, puisque dans le présent tout est régi par la grande loi de la continuité, rejetons hardiment toutes les brusques révolutions par lesquelles on voudrait expliquer le développement des choses. — On ne saurait parler davantage d’une destruction soudaine du monde : nous sommes bien plutôt fondés, par l’expérience du développement progressif de la nature et de la vie, à supposer un progrès indéfini, une transformation incessante des choses dans le sens de la perfection. En tout cas, nous écartons avec confiance toutes les rêveries d’un spiritualisme enfantin sur l’anéantissement futur de la matière, et sur la perspective d’un dernier jour. Telles sont les idées que nous devons nous faire, à la lumière du principe de la continuité, de l’origine, de la durée, du développement de l’univers. — L’analyse spectrale, en nous découvrant partout autour de nous et au-dessus de nos têtes les mêmes éléments chimiques, nous révèle une loi nouvelle, celle de l’unité de composition chimique. Nous connaissons déjà les deux lois de la constance de la matière et de la force mécanique. Ces trois lois expliquent la constance de la nature : si l’on y joint celle de la continuité pour en régler le développement, on a les principes essentiels sur lesquels repose l’unité systématique du monde. — Il reste encore à nous demander si l’on peut réduire tous les éléments chimiques à un seul ; si les forces élémentaires ne sont pas réductibles les unes aux autres. Il est absurde de vouloir qu’un seul élément puisse produire la diversité spécifique des combinaisons chimiques ; aucun fait d’ailleurs, aucune expérience n’ont jusqu’à présent permis de révoquer en doute le caractère irréductible des corps élémentaires. Peut-on ramener enfin les unes aux autres les formes élémentaires de la force mécanique ? Il semble que le rôle universel de la chaleur la désigne comme la forme essentielle et primordiale, d’où toutes les autres dérivent, comme le principe le plus haut auquel puisse être rapporté le développement du cosmos et de la vie.

C’est à Lamarck qu’il faut faire remonter l’honneur d’avoir formulé le premier les lois générales qui gouvernent le développement des organismes. Darwin n’a fait que reproduire les idées fondamentales exposées dès 1809 dans la Philosophie zoologique de Lamarck : il s’est