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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/627

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j. soury. — histoire du matérialisme

avait découvert la formule mathématique d’une loi avant d’en soupçonner l’explication physique. Le cas s’était déjà présenté pour Kepler et pour Galilée. Newton croyait comme tout le monde à une cause physique de la gravitation et de l’attraction. Il répète qu’il laisse de côté, pour des raisons de méthode, les causes physiques inconnues de la pesanteur, mais, encore une fois, il ne doute pas de leur existence.

L’hypothèse qui se présentait d’elle-même touchant cette cause, c’était le choc des corpuscules matériels dans l’espace. Mais on commençait à ne plus se contenter des simples possibilités de la physique d’Épicure. À cet égard, Galilée est supérieur à Descartes, comme Newton et Huyghens le sont à Hobbes et à Boyle, qui croyaient avoir assez fait lorsqu’ils avaient expliqué comment les choses pouvaient se passer. Néanmoins, la modification essentielle que Hobbes avait fait subir au concept de l’atome en soutenant qu’il pouvait exister des corps inconnaissables à force d’infinie petitesse, ne fut pas sans influence sur l’hypothèse scientifique d’un éther impondérable dont les particules en mouvement causeraient par leurs chocs innombrables le phénomène de la gravitation. La physique admit donc qu’on pouvait résoudre les éléments premiers de tous les corps en atomes pesants, c’est-à-dire soumis à la gravitation, et en atomes infiniment plus ténus, non pesants, bien que matériels et soumis aux lois générales du mouvement. C’est dans ces atomes impondérables que l’on chercha la cause de la pesanteur, et pas un seul physicien du temps n’eût songé à imaginer cette cause en dehors des lois mécaniques du mouvement propagé dans l’espace par le moyen de chocs corpusculaires.

On croit énoncer de nos jours le principe du matérialisme même en répétant comme un axiome : point de force sans matière. Mais c’est là une naïveté dont auraient souri les grands mathématiciens et physiciens chrétiens du xviie siècle. Ils n’auraient point compris ce que bien des savants et des philosophes contemporains entendent par le mot force, notamment quand ils parlent de l’attraction. Ils étaient encore de vrais matérialistes au sens antique : ils n’admettaient d’action d’un corps sur un autre que par communication médiate ou immédiate du mouvement des parties. Le choc des atomes ou leur traction imaginée au moyen de crochets, etc., simple modification du choc corpusculaire, demeurait le type de tout mécanisme. Newton eût surtout tenu pour absurde l’hypothèse d’une action à distance d’un corps sur un autre. En tout cas, attraction était pour lui synonyme d’impulsus, de choc.

Huyghens, le grand précurseur et le contemporain de Newton,