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ANALYSESdu bois reymond. — Darwin versus Galiani.

supiaux, des poissons vivipares, aurait dû bien auparavant nous faire entendre la même leçon.

« Ces arbres généalogiques de notre race, auxquels se complaît une imagination sans frein, plus guidée par la fantaisie que par la science, valent à peu près autant que les généalogies des héros homériques aux yeux de la culture historique. Mais lors même que la théorie de la descendance réussirait à remplir l’intervalle qui sépare le globule de protoplasma, le premier germe vivant de l’organisme humain tout formé, il resterait toujours à rechercher d’où vient la finalité de la nature organique ;’et le sphinx de la téléologie se dresserait toujours devant nous. »

Toutes ces difficultés commencent enfin à trouver une solution dans la théorie de la sélection naturelle. Elle vient s’ajouter heureusement aux lois morphologiques, et nous expliquer « pourquoi les êtres organiques sont si merveilleusement appropriés les uns aux autres et au monde extérieur ; pourquoi ils présentent dans leur organisation à la fois tant de finalité et des dispositions si peu convenables. » Combien d’autres difficultés la sélection sexuelle, à son tour, ne résout-elle pas ! Qu’on songe aux fleurs visitées par les insectes, au phénomène si curieux de la mimicry, que Wallace a mis en lumière : la théorie de la sélection nous découvre sans cesse des conditions, qui permettent à de nouvelles formes de naître et de se fixer. « Enfin le principe fait pénétrer sa lumière dans le domaine de la psychologie : il nous aide à résoudre une des plus vieilles questions, celle de savoir si nos idées fondamentales sont innées ou héréditaires ; il éclaire l’origine de nos dispositions morales. En un mot, à la place des causes finales dans la nature organique, nous ne trouvons plus qu’une mécanique très-compliquée, agissant aveuglément ; et l’énigme du monde est ainsi réduite à deux problèmes : qu’est-ce que la matière et la force, et comment peuvent-elles penser ? »

On a fait bien des objections contre la théorie de la sélection : mais la plupart ne réussissent qu’à établir, ce que personne ne songe à contester, qu’elle n’est pas encore en état de rendre compte de tous les faits ; et qu’elle a besoin du concours des lois organiques proprement dites. Les phénomènes de régénération des tissus ou des organes, les effets spontanés de la vertu curative de la nature, la formation d’un polype d’eau douce complet par chacune des deux moitiés entre lesquelles il a été partagé : ce sont là évidemment des faits inexplicables par la sélection naturelle, et qui réclament l’intervention spéciale d’une finalité organique. « La reconstitution spontanée des cristaux mutilés, qu’ont observée Jordan, Lavalle, Pasteur, Senarmont et d’autres, ne serait-elle pas un phénomène du même genre ? »

« Que la sélection naturelle puisse donner tout ce que l’on attend d’elle, pour expliquer la finalité de la nature organique, c’est là une affirmation aussi peu démontrée jusqu’à présent que l’affirmation contraire. Le but du théoricien naturaliste est de comprendre scientifique-