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g. compayré. — les principes de l'éducation.

discipline brutale de Winchester, d’Éton, d’Harrow, trop à la mode dans un pays où les chefs d’institution se croient encore obligés d’avertir le public que l’interdiction des châtiments physiques compte parmi les avantages de leur maison. Enfin, il veut qu’on traite l’enfant, non pas comme un révolté incorrigible, qui n’obéit qu’à la force, mais comme un être intelligent, capable de comprendre vite les raisons et les avantages de l’obéissance, par cela seul qu’il se rend compte delà liaison des causes et des effets.

La vraie discipline morale est celle qui met l’enfant sous la dépendance de la nature, qui lui apprend à détester ses fautes en raison des conséquences naturelles qu’elles entraînent, qui enfin renonçant aux punitions artificielles, presque toujours irritantes et mal accueillies, n’a recours, le plus souvent, pour corriger l’élève, qu’aux désagréments, aux privations qui sont la conséquence nécessaire et comme la réaction inévitable des actions qu’il a accomplies. Un gamin, par exemple, met du désordre dans une chambre : la méthode des punitions naturelles veut que ce soit lui qui le répare ; il se corrigera vite d’une turbulence dont il est le premier à souffrir. Une fillette, par indolence ou par un trop grand soin apporté à sa toilette, s’est mise en retard pour la promenade : qu’on la punisse en ne l’attendant pas, en la laissant à la maison, c’est le meilleur moyen de la guérir à l’avenir de sa paresse et de sa coquetterie. Le système qui tend ainsi à substituer les leçons de la nature aux pénalités factices offre de nombreux avantages. Il soumet l’enfant non à l’autorité d’un maître qui passe, de parents qui mourront un jour, mais à une loi dont l’action ne cesse ni ne se ralentit jamais. Les punitions artificielles provoquent souvent la résistance de l’enfant parce qu’il n’en comprend pas le sens, parce que, provenant de la volonté humaine, elles peuvent être taxées d’injustice et de caprice. Pourra-t-il aussi facilement refuser de s’incliner devant la force impersonnelle de la nature, force qui mesure exactement le mal à la faute, qui n’admet point d’excuse, contre laquelle il n’y a point d’appel, et qui sans menace, sans colère, exécute rigoureusement et silencieusement la loi ?

Tel est le principe essentiel de la discipline morale, principe excellent s’il était partout applicable, mais qui précisément ne l’est pas aussi souvent que le croit M. Spencer. L’enfant, dans bien des cas, est trop peu réfléchi, trop peu raisonnable pour comprendre et surtout pour écouter les conseils de l’intérêt personnel. Ajoutons que ce principe est tout négatif, qu’il fournit tout au plus le moyen d’empêcher le mal ; qu’en lui accordant même une efficacité qu’il n’a pas, il resterait encore à lui reprocher de rétrécir la culture morale