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2. — Les preuves de l’individualisme.

Relativement au motif moral de l’individualisme, nous avons montré dans l’essai publié dans Philosophische Monatshefte et mentionné plus haut qu’on ne peut fonder ni sur l’invisibilité, ni sur l’immutabilité, ni sur la liberté, ni sur la responsabilité, ni sur l’aséité, ni sur l’éternité, une division du caractère en caractère intelligible et caractère empirique. Il est également impossible de baser sur cette différence une valeur de l’individu, allant au-delà de la sphère phénoménale. Dans son dernier écrit, Bahnsen ne fait ressortir qu’un seul argument moral en faveur de son point de vue, à savoir la conscience morale du dévouement et du sacrifice. Il dit : dans le cas seulement où l’être individuel et la vie individuelle doivent être regardés comme ayant une valeur supérieure à celle d’un phénomène sans conséquence, on peut attribuer au sacrifice qu’on en fait une sainteté vraiment morale. D’un autre côté, il ajoute : le bandeau fait avec le voile de Maïa, il peut l’avoir arraché mille fois de ses yeux, mais ce bandeau lui enlace toujours la main, la tête et les membres. Et plus loin il trouve qu’en face de la doctrine restreinte de Kant, j’avais raison de soutenir que : l’amour de soi-même est raisonnable, — à savoir, comme moyen d’amener le monde à son but, mais non comme but individuel, par conséquent quelque chose de relativement raisonnable, de borné par d’autres lois de la raison. L’amour de soi est relativement raisonnable, par cette seule raison qu’il sert à des fins non égoïstes, et même anti-égoïstes, et qu’il est indispensable pour atteindre ces dernières. C’est pourquoi des mesures ont été prises pour que la transparence abstraite du voile de Maïa ne puisse jamais détruire complètement l’instinct égoïste de la nature. Cette indestructibilité de ce qui est logiquement indispensable, est donc logique en elle-même, et nullement une preuve de la « Realdialektik » de Bahnsen, comme celui-ci se plaît à croire. Mais alors, malgré la transparence abstraite du voile de Maïa, il faut regarder incontestablement comme un mérite éthique ce fait, que. la force morale suffit pour triompher dans la pratique de l’indestructibilité concrète de l’individualité de la conscience, de façon à produire le dévouement et le sacrifice. Aussi nous n’avons nullement besoin de recourir à une indépendance substantielle de l’individu, pour conserver entièrement à la conscience morale la consécration éthique du sacrifice.

D’après ce que nous venons de dire, il est dans tous les cas impos-