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de ce nom, est parfaitement conciliable avec les exigences logiques de la connaissance.

Les considérations précédentes sont surtout relatives à l’infini d’extension ; l’infini de compréhension ou continuité n’est pas moins énergiquement combattu par M. Renouvier et par les mêmes raisons. Que s’il s’agissait tout simplement pour l’esprit d’appliquer indéfiniment le concept de la division à une ligne géométrique quelconque par exemple ; il n’y aurait là aucune difficulté, si ce n’est toutefois qu’on ne peut pas considérer comme effectivement donnée cette division à l’infini, puisqu’elle exigerait un temps infini, ce qui nous ferait retomber dans la contradiction de l’infini donné comme réel, de l’infini qui est un nombre et qui en même temps n’en est pas un. L’indéfini bien compris ne donne pas l’infini, il le supprime[1]. Mais si au lieu de la simple possibilité d’une division mentale descendant à des subdivisions inassignables — puisque l’indéfini par hypothèse ne peut être assigné — il s’agit de la division réelle d’un tout réel en des parties réelles, tel que serait un corps donné dans l’expérience, alors il faut de deux choses l’une, ou que le corps soit composé de parties distinctes en nombre déterminé, ou qu’il se résolve en une infinité de riens. Admettre la distinction des parties, c’est nier la continuité ; admettre la division à l’infini, c’est nier la réalité, puisqu’à ce compte, une étendue réelle se composerait de zéros d’espace, une durée réelle de zéros de temps. Choisir entre la discontinuité et la continuité, c’est donc choisir entre la réalité et le néant. Le choix ne saurait être douteux. Ici encore on invoquera et on invoquera faussement les points, en nombre infini, des lignes géométriques : ces points sont des symboles qui expriment des limites et ne correspondent à rien de réel.

La condamnation de l’idée du continu entraîne celle de l’hypothèse du plein. Il résulte, en effet, de cette hypothèse que le nombre des phénomènes ou sièges de phénomènes actuels, localisés dans une certaine étendue représentable, serait un nombre infini puisque la multiplication des existences réelles et effectives suivrait le cours de la multiplication des parties mesurables d’un volume donné, laquelle, idéalement, n’a point de terme[2]. Considérons, d’autre part, que le mouvement, pour les partisans du plein, « ne peut se concevoir que sous la forme d’une circulation de matière en courbes plus ou moins prolongées, mais toujours fermées, et dans lesquelles il n’y a pas propagation du mouvement à proprement parler, mais

  1. Logique, I, 367.
  2. Logique, III, 108.