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phénomène. Quant aux autres difficultés résultant de l’hérédité des propriétés du caractère, je veux seulement les indiquer brièvement ; elles conduisent au retour de suites ou de séries égales de l'incorporation de monades éternellement unies entre elles, qui se sont ainsi rassemblées de toute éternité, conformément à l’affinité de leur essence et de leur caractère, et qui répètent d’éternité en éternité avec une uniformité fatigante la comédie de leur reproduction apparente réciproque dans les corps les plus différents. On le voit ; plus on s’enfonce dans les conséquences de l’individualisme métaphysique, plus on se trouve enlacé inévitablement dans des hypothèses abstruses, et plus on s’éloigne de cette conception de l’individualité qui semble être donnée comme la seule soutenable, résultat actuel de la science et de la philosophie de la nature.

Comme Bahnsen passe complètement sous silence la théorie de la relativité de l’individualité, je ne sais pas quelle position il prend vis-à-vis des questions de l’individualité d’organes composés, questions insolubles dans le cas où l’on nie cette relativité. Je ne sais pas, par exemple, s’il admet l’individualité d’un anneau de ver solitaire, de la pousse d’un arbre ou d’une cellule. Mais il est certain qu’il reconnaît l’indépendance monadologique des atomes matériels, et celle-ci suffit pour rendre clair le problème résultant de la réunion entre elles des différentes parties des individus. Par exemple, la volonté individuelle de l’homme se forme en s’incorporant un organisme composé d’atomes matériels, c’est-à-dire d’individus d’un ordre inférieur ; elle prend donc la position d’une souveraine parmi ces individus ou celle d’une monade centrale parmi les nombreuses monades de son corps, et elle doit diriger ces dernières à titre de principe organisateur, de telle façon que la constitution de l’organisme reflète ; exactement son caractère. Mais d’où doit venir à un individu la capacité de jouer le rôle de Providence à l’égard d’une foule d’autres, ou de diriger et d’utiliser leurs fonctions naturelles dans le sens d’un principe vital organisateur ? En général l’action réciproque d’une substance sur une autre est déjà assez incompréhensible, en l’absence d’un lien qui les unisse d’une façon absolue ; mais vouloir nous faire croire à une pareille souveraineté exercée par des monades centrales, ce serait trop exiger. Au contraire, si nous admettons que les atomes sont seulement les actes individualisés de l’Être un et universel et que la fonction organisatrice appartient seulement à l’Être un et universel lui-même, alors l’enchaînement devient immédiatement intelligible et naturel.

Herbart et Bahnsen, qui croyaient tous les deux pouvoir passer sous silence la relativité du concept de l’individualité, sont par