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QU’EST-CE QUE L’IDÉALISME ?



L’idéalisme jouit depuis quelques années d’une assez grande faveur auprès d’une certaine portion de la jeunesse philosophique de notre pays. Quelques esprits distingués qui ne veulent pas du matérialisme parce qu’il leur paraît une doctrine grossière, ni du spiritualisme parce que c’est, à leurs yeux, une doctrine vieillie, aiment assez à dire qu’ils sont idéalistes. Sur quoi l’on peut se demander : qu’est-ce que l’idéalisme ?

L’idéalisme, si je le comprends bien, serait la doctrine qui ramène tout à la pensée, et compose toutes choses de pensées. Soit ; mais qu’est-ce que la pensée ?

La seule pensée que nous connaissions directement, c’est-à-dire la nôtre, se compose de deux choses : la chose pensante et la chose pensée, τὸ cogitans et τὸ cogitatum. Si tout se compose de pensées, nous avons donc le droit de demander : Est-ce de choses pensantes ou de choses pensées ?

Supposons que ce soit de choses pensantes, res cogitantes, semblables à moi, je dis que la chose pensante par définition, est ce que j’appelle un esprit, et non une idée. Donc, le système qui composerait l’univers de choses pensantes est spiritualisme, non idéalisme.

À la vérité, on restreint d’ordinaire le terme de spiritualisme au système qui admet non seulement l’esprit, mais encore la matière ; mais c’est là une simple habitude de langage ; et il serait étrange qu’une doctrine qui n’admettrait que des esprits, ne fût pas une doctrine spiritualiste. On serait autorisé seulement par là à distinguer deux espèces de spiritualisme : l’un dualiste, admettant esprit et matière, l’autre moniste ou unitéiste, n’admettant que des esprits à différents degrés ; et celui-ci à son tour pourrait se diviser encore en deux espèces : un spiritualisme panthéistique ou immanent n’admettant qu’un seul esprit, une seule conscience, dont les consciences finies ne seraient que les modes ; et un autre spiritualisme créationniste ou transcendant, qui au-dessus d’une conscience première, pleine et