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ANALYSESharms. — Die philosophie seit Kant..

Ce sont là des raisons qui paraîtront faibles aux vrais philosophes, La métaphysique est la base de la philosophie. Quiconque ne remue pas l’arbre dans ses racines ne peut commencer ou fonder une philosophie nouvelle.

Les vrais commencements de la philosophie allemande, tout le monde le sait, c’est dans Leibniz, dans Wolf, etc., qu’il faut les chercher. L’origine véritable du Kantisme ou du criticisme, c’est d’une part le dogmatisme de Wolf et, si l’on veut, de Locke, de Descartes, etc., d’autre part, c’est l’idéalisme de Berkeley, le scepticisme de Hume, qui, comme le dit Kant lui-même, l’a tiré de son sommeil léthargique. Cela ne peut être changé. Que ce changement soit nécessaire pour que la thèse de M. Harms soit vraie, c’est selon nous une grave objection contre la thèse elle-même, qui déjà chancelle dès les commencements.

II. C’est surtout la deuxième partie (la Fondation) qui doit fixer notre attention. C’est en effet le point capital de la thèse. Aussi M. Harms s’y étend longuement. Il fait à son point de vue une exposition complète de la philosophie kantienne. Comment sa thèse de l’éthicisme, sur Kant, est-elle soutenue ? M. Harms prétend que la Critique de la Raison pure n’est pas le but que s’est proposé Kant. La Critique de la Raison pratique est le but véritable de toute sa philosophie. Kant n’a entrepris sa critique de la connaissance humaine que pour prouver que la raison est impuissante à connaître et à se démontrer les grandes vérités de l’ordre métaphysique et moral : Dieu, la liberté, l’immortalité de l’âme. La Raison pratique peut seule établir ces vérités sur une base solide. Cette base est la loi morale qui s’adresse à la volonté, non à l’entendement.

Nous ne pouvons entrer ici dans une discussion approfondie. Que l’on examine sérieusement toute cette partie du livre de M. Harms, on verra que sa thèse, difficile à soutenir, n’est nullement démontrée ; la manière dont il établit le lien des trois Critiques ne nous paraît rien moins que solide. D’abord pour nous, il ne s’agit pas de ce que Kant a voulu, mais de ce qu’il a fait. Il a voulu, nous dit-on, appuyer les vérités métaphysiques de l’existence de Dieu, de la liberté, de l’immortalité sur une base morale ; je ne le conteste pas. Il a voulu déduire la vérité métaphysique de la vérité morale après avoir démontré que cette vérité était indémontrable par les forces de la raison pure. Soit, y est-il parvenu ? Aux yeux de la logique n’a-t-il pas fait précisément le contraire de ce qu’il a voulu ? N’a-t-il pas ainsi créé une antinomie nouvelle qu’il lui est impossible de résoudre ? L’abîme qu’il a ainsi creusé, l’a-t-il réellement comblé ? Je ne le crois pas.

Les raisons que donne l’auteur de la thèse de l’éthicisme ne nous paraissent nullement convaincantes. Il restera toujours évident aux yeux du logicien rigoureux et conséquent que la vérité métaphysique une fois ruinée ou mise en doute, la vérité morale dont la base elle-même est métaphysique (Métaphysique des mœurs), est elle-même ébranlée et ne peut s’établir d’une manière certaine. Qu’est-ce que la loi morale ? une vérité métaphysique. Que sont tous ces Postulats qui viennent à la