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ANALYSESschmid. — Die Darwinischen Theorien..

nismes atteint son point culminant sur notre planète. Ne pouvant plus aller au-delà, elle revient sur elle-même. Faire un retour sur soi-même, c’est l’expression dont se sert ici excellemment Hegel. La nature se sent déjà dans l’animal ; mais elle aspire aussi à se connaître. » Et ailleurs, dans le même ouvrage : « Dans l’homme, la nature ne veut pas seulement monter plus haut, elle veut s’élever au-dessus d’elle-même. » Ainsi, de l’aveu même de Strauss, l’homme est plus qu’un simple membre de la nature, ein blosses Naturwesen. Il suit de ces déclarations d’un des partisans les plus décidés du Darwinisme qu’avec la personnalité et la conscience morale, une forme tout à fait nouvelle de l’existence fait son apparition, qui dépend bien des formes inférieures, mais ne s’explique pas suffisamment par elles !

La difficulté, qui arrête Strauss, ne paraît pas s’être présentée à l’esprit de Dubois-Reymond. Ce savant croit que la conscience morale ou la liberté n’est qu’une forme supérieure du développement de la simple conscience ; et que la théorie de l’évolution suffit aisément à rendre compte de cette transformation. Mais c’est le fait élémentaire de la conscience, c’est la simple sensation qu’il déclare inexplicable scientifiquement, dans sa fameuse déclaration de 1872 aux naturalistes rassemblés à Leipzig.

Les savants, qui ne se résignent pas à l’ignorance, à laquelle Dubois-Reymond prétend les condamner, ont essayé de dériver l’immatériel du matériel : ainsi Spencer dans ses Premiers Principes, et Strauss dans l’Ancienne et la nouvelle foi. Voici ce qu’écrit ce dernier : « Si le mouvement se transforme en chaleur sous certaines conditions, pourquoi ne pourrait-il aussi dans certains cas se changer en sensation ? »

Les esprits portés vers la métaphysique, comme Schopenhauer, dans les Parerga (Livre II, 3), Zœllner dans son livre Sur la nature des Comètes, et l’auteur anonyme (E. de Hartmann) de l’Inconscient du point de vue de la physiologie et de la descendance n’hésitent pas à prêter la sensibilité à la matière, aux atomes, qui pour les sens extérieurs paraissent complètement insensibles. Sans doute Zœllner a raison, lorsqu’il dit : « Ou renonçons pour jamais à comprendre le phénomène de la sensation ; ou ajoutons par hypothèse une propriété nouvelle aux autres propriétés générales de la matière, et admettons que les processus les plus simples, les plus élémentaires de la nature sont régulièrement associés à des processus de sensibilité. » Mais, observe Schmidt, ne vaut-il pas mieux nous en tenir à l’ignorance de Dubois-Reymond, que de nous perdre avec Schopenhauer, Zœllner, Hartmann, dans la doctrine qui prête la conscience aux atomes, aux plantes, à tout dans l’univers enfin ?

Nous ne voyons pas que le troisième problème, celui de l’origine de la vie, ait été résolu avec plus de succès que les précédents par les partisans du Darwinisme. Tandis que Dubois-Reymond incline à croire que la vie résulte de la simple mécanique des atomes, et que Hæckel, dans son histoire naturelle de la création, entreprend hardiment de démêler les secrets de cette production, Spencer se borne à définir la