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Viennent enfin les expériences plus spécialement destinées à étudier l’influence des émotions psychiques. « J’ai beaucoup varié les moyens pour agir sur le moral de mes poulets : c’était tantôt en leur faisant entendre des sons aigus ou effrayants, tels que coups de sifflet, aboiements de chien, miaulements de chat, imités à côté d’eux, tantôt en agissant sur leur vision, soit avec ma main étendue rapidement vers leurs yeux, soit avec un parapluie s’ouvrant à l’improviste, où bien encore en faisant passer devant eux des chiens et des chats ; ou bien j’excitais leur gourmandise en leur jettant toutes sortes d’aliments. Toutes ces excitations avaient pour résultat une forte déviation (jusqu’à 18 degrés) au commencement, et des déviations rapidement décroissantes, à mesure que l’on répétait l’excitation. Le minimum de la déviation une fois atteint, il se maintenait constant après toutes les excitations suivantes de même nature.

De cette seconde partie du travail de M. Schiff, il résulte :

1º Que dans un animal jouissant de l’intégrité des centres nerveux, toutes les impressions sensibles sont conduites jusqu’aux grands hémisphères, et y produisent une élévation de température par le seul fait de leur transmission.

2º Que l’activité psychique, indépendamment des impressions sensitives qui la mettent en jeu, est liée à une production de chaleur dans les centres nerveux, chaleur quantitativement supérieure à celle qu’engendrent les simples impressions des sens.

Il est donc prouvé que les actions réflexes suscitées par les impressions sensorielles dans la substance grise cérébrale, et constituant l’activité psychique, sont liées à un mouvement soumis aux lois générales qui régissent la matière.

Voilà tout ce que nous pouvons affirmer de positif pour le moment : nous n’en sommes pas encore, on le voit, au point de démontrer la convertibilité de l’activité psychique et de la chaleur. La preuve directe ne sera peut-être jamais possible, car les conditions capables d’enrayer l’activité nerveuse sont malheureusement les mêmes que celles qui abolissent l’excitabilité du système nerveux et en produisent l’inactivité ; le mouvement ne commençant pas, il est impossible d’en étudier l’arrêt.

Malgré cela l’importance du résultat obtenu n’échappera pas aux lecteurs de la Revue. C’est surtout, nous le répétons, pour remettre sur le tapis cette intéressante question, fort négligée dans ces dernières années, que nous avons cru utile de donner ce résumé du travail de M. Schiff.

A. Herzen.