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tare, la race sémitique et la race aryenne, — Chinois, Arabes et Indo-Européens). sont venues précisément des régions marquées sur nos cartes comme très-sèches (rainless), envahir et conquérir des contrées relativement humides. » Ces peuples n’avaient, pour ainsi dire, qu’un trait commun, l’énergie. Et lorsque, amollis à leur tour, ils ont subi de semblables invasions, ces invasions sont toujours venues des mêmes régions. Pourquoi cela, si ce n’est qu’il y a une relation entre la vigueur constitutionnelle et un air qui par sa chaleur et sa sécheresse facilite les fonctions vitales ? « Une plus grande activité constitutionnelle permet aux peuples qui en sont doués, non-seulement de conquérir sur les races moins actives des territoires plus riches et plus variés, mais encore d’utiliser infiniment mieux les ressources de ces territoires. »

Après l’influence du climat, vient celle du sol lui-même, et d’abord de sa configuration, laquelle favorise ou contrarie la formation de l’unité sociale (social intégration), selon qu’elle rend facile ou difficile la subordination des parties à un pouvoir central. Dans certains cas extrêmes, il est très-visible que « la nature du territoire détermine le genre de vie sociale des habitants. » Telle contrée est comme prédestinée à ne porter que des peuplades nomades. Les possesseurs ont beau changer, ils sont comme condamnés par la nature même de l’habitat à reprendre le même mode d’union sociale, les mêmes idées, les mêmes sentiments et les mêmes coutumes.

Toutes choses égales, l’uniformité du territoire est contraire au progrès social, tandis que l’hétérogénéité’, la variété géologique et géographique le favorise. Il est clair, en effet, que le commerce, l’industrie, l’art, la science même, ne peuvent que gagner à ce qu’il y ait une grande variété de productions naturelles, partant une grande variété d’expériences, d’usages, etc. Cette remarque n’est pas seulement vérifiée par l’histoire des grandes civilisations, mais encore par la comparaison des tribus sauvages : elle a été faite et par Grote et par Livingstone.

Que la fertilité du sol soit favorable au progrès social, c’est ce qui résulte à priori de cette observation générale, faite tout à l’heure à propos du climat, que « les premières phases au moins du développement social ne sont possibles que là où il y a réellement peu d’obstacles à vaincre. » Pour qu’un pays pauvre et ingrat porte une population dense et prospère, susceptible de devenir une société florissante, il faut un art agricole avancé. Mais comme tout progrès dans un art quelconque suppose une société déjà considérable et compliquée, il s’ensuit qu’il doit y avoir d’abord des sociétés dans lesquelles abondent les ressources naturelles, avant que puissent apparaître les arts plus savants, nécessaires pour mettre en valeur les territoires moins productifs. — Cette déduction est, comme les précédentes, confirmée par un grand nombre de faits. M. Spencer aurait seulement dû ajouter que l’extrême richesse du sol peut, toutefois, devenir un véritable obstacle aux progrès ultérieurs de ces mêmes sociétés, qu’elle a contribué d’abord à tirer de la barbarie : le besoin est un aiguillon pour les facultés