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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, LXIV.djvu/197

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a, d’après lui, démocratie et démocratie. Il y a la démocratie issue de la philosophie du XVIIIe siècle, surtout de celle de Rousseau, et aggravée de nos jours par la théorie et même par la pratique du socialisme. C’est celle-ci qui n’a pas les sympathies de l’auteur. Mais il y a aussi l’autre démocratie. Laquelle ? l’auteur serait bien embarrassé de le dire, tout en nous faisant entendre qu’il est partisan d’une démocratie modérée et qui, en raison de sa modération, lui paraît plus scientifique, opposée à la conception métaphysique dont la démocratie de nos jours, dans les pays les plus avancés tout au moins, constitue la réalisation plus ou moins parfaite.

Le premier chapitre ne fait que reproduire les objections qui ont cours dans une certaine presse et dans certains milieux politiques contre l’« utopie » égalitaire. Tel que le principe égalitaire y est exposé, il a en effet tous les caractères d’une utopie. Mais le tableau est chargé à dessein, car personne, parmi les partisans sensés de l’égalitarisme, n’a jamais songé à nier la réalité des inégalités naturelles, ni à prêcher le nivellement complet et universel. Le principe de l’équivalence morale de tous les membres de la collectivité, la croisade contre les inégalités artificielles résultant de la mauvaise et injuste organisation sociale n’implique en aucune façon la négation des supériorités naturelles de tout ordre, ni le rôle effectif de minorités moralement et intellectuellement supérieures. Le grand défaut des adversaires de l’égalitarisme consiste à admettre que les supériorités pour se manifester ont besoin de stimulants des avantages matériels et à ne pas concevoir les concurrences autrement que comme une lutte dont le gain matériel constitue le seul enjeu. S’ils voulaient admettre la possibilité d’une concurrence, d’une émulation libre de tout intérêt matériel, ils se rendraient compte que le collectivisme lui-même est propre à stimuler les activités, à susciter les supériorités toutes les fois qu’elles découlent de l’organisation naturelle des individus.

Les arguments invoqués par l’auteur contre le gouvernement majoritaire et contre le suffrage universel ne présentent pas plus de nouveauté que ceux invoqués contre le principe égalitaire. Le gouvernement de la majorité et le suffrage universel présentent certes des inconvénients que personne ne songe à contester. Mais il est permis de trouver que l’auteur insiste trop sur ces inconvénients, sans faire ressortir d’une façon suffisante les avantages que l’une et l’autre de ces institutions peuvent présenter. Or, ces avantages sont loin d’être négligeables. Malgré tous les abus auxquels le gouvernement des majorités et le régime du suffrage universel ont pu donner naissance, abus tenant aussi bien à l’expérience insuffisante des masses qu’au manque de désintéressement des hommes et des partis politiques, le suffrage universel a favorisé de grands mouvements d’idées dont le gouvernement majoritaire a permis l’application, la réalisation tout au moins partielle. On peut dire sans exagération que si l’on s’en était