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nouvel état. Cette dernière considération rend aussi raison de ce. fait, à première vue étrange, qu’une forte commotion — un coup violent à la tête, par exemple — efface les traces des événements récents et laisse intactes celles des événements anciens, dont le souvenir, à la différence des premiers, a pu nécessairement être plus souvent évoqué avant l’accident.

Voilà l’ensemble du système des lois de la sensation, tel que je l’ai conçu.


X. — Objections de Fechner. — Réponses et conclusions.


Voici maintenant les objections que Fechner adresse à ce système (p. 31 et suiv.) :

Tout d’abord, d’après lui, je place les sensations de température et celles de son et de lumière sous un point de vue tellement général, que j’annihile les différences qu’on doit mettre entre elles. Ainsi il existe un état nul entre le chaud et le froid ; il n’y en a pas entre le noir et le blanc, entre le silence et le bruit. De plus, — et l’objection paraît capitale à Fechner, — la sensation du gris est positive, qu’on ait commencé par contempler soit du blanc soit du noir ; dans ma formule, au contraire, elle changerait, selon lui, de caractère. Sans doute, dit-il, quand on va de 3 à 2 on va du plus au moins, et l’on va du moins au plus quand on part de 1 vers 2 ; mais 2 reste 2 dans l’un comme dans l’autre cas. En outre, la sensation du noir le plus noir est nécessairement pour moi une sensation négative, puisque, en fait de lumière, il n’y a rien en dessous, et pourtant je ne rends pas compte par là de la valeur toujours positive que possède le noir à l’extrémité inférieure de l’échelle des sensations lumineuses quand on passe d’une manière continue du gris au blanc. Enfin, on ne comprendrait pas comment on peut avoir la sensation continue du noir quand on tient les yeux bien fermés dans l’obscurité, ni celle du jour quand on y reste exposé pendant des heures entières.

Je vais maintenant reprendre une à une ces objections. Fechner a bien vu que dans ma bouche les termes négatif et positif n’ont pas le même sens que pour lui, mais il n’a pas cependant saisi complètement le caractère de ces expressions dans mon système. Ainsi, m’oppose-t-il, le gris est une sensation positive et invariable, qu’on ait d’abord contemplé du blanc ou du noir. Je n’en disconviens pas. Mais voici ce que je dis : étant donnés un gris et un blanc déterminés, j’appelle positif le contraste allant du gris au blanc, c’est-à-dire du moins au plus, et j’appelle négatif le contraste allant de ce même