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regnaud. — études de philosophie indienne.

« Il échauffa les eaux, dit l’Aitaraya Upanishad ; des eaux échauffées naquit la matière solide. Cette matière solide qui naquit alors est la nourriture[1]. »

Quand la nourriture est créée, l’homme essaye de la saisir par toutes ses facultés et par tous ses sens l’un après l’autre. Mais c’est seulement par l’apâna, ou par l’esprit vital siégeant dans les intestins, qu’il y parvient. Enfin l’Atman se dit que l’homme ne peut se passer de lui. Il faut sa présence pour donner aux sens le moyen d’agir et de remplir leurs fonctions. Il fend le crâne de l’être auquel il vient de donner naissance et pénètre en lui par une ouverture dont la boîte osseuse du crâne porte encore la trace[2].

Ce récit confus, où la légende s’entremêle d’une manière si bizarre aux idées philosophiques et physiologiques qui forment le fond de toutes les Upanishads, peut se résumer, comme les précédents, dans les principes suivants :

L’être absolu qui est en même temps immatériel et éternel a donné naissance par le seul effet de sa volonté à l’univers sensible.

L’intelligence humaine et les sens qui lui servent d’intermédiaire et de moyen d’expression, ainsi que la parole et le souffle vital, sont mus par l’être absolu qui entre en relation, grâce à leur concours, avec l’être relatif.

Là se bornent les conceptions principales des auteurs des Upanishads sur l’origine des choses et les rapports généraux de l’Être avec les êtres.


§ II. — Le caractère subjectif des âmes individuelles dans
les Brahma-Sûtras.


La fausse attribution. — L’école philosophique, dite védântique, qui prétendit appuyer son système sur l’autorité des Upanishads, serra de beaucoup plus près le problème des rapports de l’esprit et de la matière, ou de l’être et du non-être au point de vue des idées indoues, que ne l’avaient fait les penseurs antiques dont nous venons de retracer les théories laissées par eux à l’état d’ébauche. La première difficulté à laquelle ils s’attaquèrent, à ce qu’il semble, fut la solution du problème de la coexistence de l’être, ou de l’âme universelle, et des âmes individuelles. À vrai dire, ce problème était radicalement insoluble, en admettant la réalité de l’existence simultanée de celle-ci et de celle-là, — l’idée d’un être qui est tout étant

  1. So’ po’ bhyatapat tâbhyo’ bhitaptâbhyo mûrtir ajâyata. Yâ vai sâ mûrtir ajâyatânnam vai tat.
  2. Sa etam eva sîmânam vidâryaitayâ dvâra prapadyate.