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regnaud. — études de philosophie indienne.

sions de la buddhi (buddhibhedâs) (correspondant à l’âme considérée comme jouissante), à savoir : l’ouïe, le toucher, la vue, le goût et l’odorat ; les cinq organes d’action (correspondant à l’âme considérée comme active), c’est-à-dire : la parole, la faculté de prendre, celle de marcher, celle de rejeter les excréments, et celle d’émettre la semence ; le manas, qui se subdivise, comme nous l’avons déjà vu, en manas, buddhi et ahamkâra, est le onzième prâna[1].

Les organes que nous venons d’énumérer sont ténus, c’est-à-dire subtils (sûkshma), et limités (parichinna) ; ce ne sont pourtant pas des atomes ; autrement leurs effets ne pénétreraient pas le corps entier[2]. Ils ne sont pas matériels (sthula), parce que, dans ce cas, les personnes qui se trouvent auprès d’un mourant les verraient s’échapper du corps[3].

Indépendamment des organes de jouissance et d’action qui sont rangés sous la dénomination générale de prânas, il y a le prâna proprement dit ou le prâna principal, qui diffère complètement des autres. Il correspond tout à la fois aux fonctions respiratoires et aux esprits vitaux des anciens physiologistes. D’après les védântins, ses principaux caractères distinctifs sont de veiller pendant que tous les autres organes sont endormis et de n’être jamais pénétré (âpta) par la mort. C’est lui qui soutient le corps, qui reste debout ou vivant tant qu’il réside en lui et qui tombe dès qu’il l’abandonne[4].

Le prâna principal est, lui aussi, une modification de Brahma[5].

De même que les sens sont comme les sujets de l’âme individuelle à laquelle ils prêtent leur concours pour qu’elle jouisse et agisse, le prâna est comme son ministre ; il est au service de l’âme, pour tout ce qui la concerne, et, par conséquent, il n’est pas libre. Du reste, le prâna ne pourrait être libre qu’à la condition d’être intelligent, mais il ne l’est pas davantage que les sens eux-mêmes[6].

Le prâna a cinq fonctions, à savoir : l’expiration (prâna) ; l’inspiration (apâna) ; celle qui est appelée vyâna et qui sert de trait d’union aux deux premières, ou qui s’exerce entre elles : le vyâna est fort (vîryavat), et il est la cause de l’œuvre (karmahetu) ; celle qui est appelée udâna et qui s’exerce de bas en haut : c’est avec

  1. Çankara. Comm. sur les Brahma-Sutras, II, 4, 6.
  2. C’est ainsi du moins que j’entends le passage suivant : na paramânutu­lyatvam krtsnadehavyâpikâryânupupattiprasangât. Çankara. Comm. sur les Brahma-Sutras , II, 4, 7.
  3. Çankara, ibid.
  4. id., ibid., II, 4, 17 et 18.
  5. id., ibid., II, 4, 8.
  6. id., ibid., II, 4, 10.