s’exercer sur un champ bien plus large que dans mes travaux théologiques. »
Les monographies de Strauss, dans lesquelles on retrouve toujours les mérites que nous venons de l’entendre s’attribuer, joints à beaucoup d’érudition et de patientes recherches, ne trouvèrent pas toutes auprès du public un accueil également favorable, ce qui s’explique facilement par la nature même des sujets. Le petit écrit intitulé Un Romantique sur le trône des Césars : Julien l’Apostat, satire fine, mais transparente du roi de Prusse, Frédéric Guillaume IV, plut aux délicats par ses sous-entendus ; mais les philistins et les pédants y cherchèrent en vain une profonde critique historique et se récrièrent. Par contre, la biographie du poète souabe Schubart, extraite de sa correspondance, que le hasard avait mise entre les mains de Strauss, passa presque inaperçue au milieu du bruit des événements politiques des années 1848-1849. L’année suivante, la mort de son ami et condisciple Mærklin lui donna l’idée de raconter la vie de cet esprit distingué ; l’ouvrage de Strauss, bien qu’intéressant à plus d’un titre et rempli de renseignements curieux sur sa propre carrière, fut très-froidement reçu ; l’impression qu’avait laissée la conduite de Strauss pendant la période révolutionnaire ne fut pas étrangère à l’attitude du public.
Cédant aux sollicitations de ses amis, Strauss avait accepté la candidature à l’Assemblée de Francfort dans la circonscription de sa ville natale. Il mena la campagne électorale avec assez d’activité : les six harangues qu’il prononça ou lut à cette occasion ont été plus tard réunies par lui sous le titre de Six Discours théologico-politiques. Il échoua cependant, grâce aux menées du clergé évangélique parmi le peuple des campagnes. En compensation, Ludwigsburg-ville l’envoya siéger à la Chambre de Wurtemberg. L’attitude politique de Strauss fut tout autre qu’on aurait pu l’augurer. Révolutionnaire en théologie, il se montra ultra-conservateur en politique. Non que de sa nature il eût la liberté en horreur : il était, nous apprend-il, partisan sincère du régime constitutionnel et de l’unité de l’Allemagne sous l’hégémonie de la Prusse. Mais les excès de parole et de pensée dont il était témoin, l’impudente ambition de quelques démagogues, les grossiers appétits de la populace, les violences de la presse, les désordres de la rue : tout cela révolta ses instincts distingués et aristocratiques, car sous ce bourgeois il y avait un grand seigneur. Rejeté presque à son insu dans l’excès opposé, il n’hésita pas à faire cause commune avec les représentants de la noblesse wurtembergeoise et quelques-uns de ces théologiens fanatiques contre lesquels il avait jadis rompu des lances. « S’il faut choisir,