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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/224

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REVUE PHILOSOPHIQUE

l’âme et la diversité de ses pouvoirs, c’est de montrer comment elles ont leur origine dans un principe primitif qui les contient virtuellement, comment elles se développent par l’exercice et arrivent ainsi à la pleine possession d’elles-mêmes. Nous savons déjà comment apparaît la conscience. Elle n’est pas autre chose que le principe vital qui, au lieu de se disperser également dans tous les éléments d’un organisme homogène et simple, se concentre dans divers systèmes, ou il se ramasse et se multiplie, systèmes qu’il relie tous à un centre unique, où il semble qu’il jaillisse en une lumière lumineuse pour elle-même. L’esprit, affranchi par la conscience, devenu maître de lui-même, se distinguant de tout le reste, agit et en agissant non-seulement développe, mais encore crée ses puissances d’agir ; ainsi se forme un véritable organisme spirituel, composé d’éléments subjectifs, qui a son centre dans le moi, qui obéit à ses lois propres, qui peut être étudié en lui-même et par lui-même : c’est la conscience réfléchie, dans laquelle la conscience subjective, avec son activité spontanée, devient un objet pour elle-même. L’homme ne se borne pas à la connaissance des modifications qui se succèdent en lui, à l’intuition fugitive des phénomènes intérieurs, pensées, sentiments, volitions ; non-seulement il agit et il sait qu’il agit, mais encore il se regarde agir ; non-seulement il pense et il sait qu’il pense, mais encore il regarde cette pensée, qui suppose déjà la conscience spontanée pour exister, et il prend conscience de sa conscience même par la réflexion. Ainsi l’imagination objective est principe vital, quand elle crée les corps vivants ; elle devient la conscience spontanée, quand, par ses progrès dans la construction des organismes, elle se concentre et s’exalte jusqu’à se saisir elle-même ; mais elle peut s’élever plus haut encore et devenir la conscience réfléchie, qui ne se rapporte plus directement au corps, qui a pour objet propre l’organisme spirituel, tel qu’il s’est constitué peu à peu par l’exercice et le développement des facultés primitives.

Nous avons expliqué la sensation, la perception extérieure et l’instinct, tout ce qu’on pourrait appeler la vie morale de l’animal, par la représentation intérieure de l’organisme, dans ses modifications, ses lois, ses besoins, par la puissance de l’esprit immanent au monde, qui se développe en multipliant ses rapports avec les choses et devient visible à lui-même ; cherchons maintenant à rattacher à la conscience que prend de lui-même l’organisme psychique, c’est-à-dire encore à l’âme universelle se saisissant comme principe spirituel, les facultés vraiment humaines, le sentiment, l’entendement et la raison, la volonté libre. La sensation, nous l’avons vu, c’est la forme organique se voyant elle-même, c’est le corps ou plutôt l’idée du corps jouissant ou souffrant de ses modifications ; le sentiment, c’est l’âme s’apercevant dans son être et dans ses qualités, c’est l’organisme psychique, prenant par intuition directe conscience de son état intérieur, jouissant de l’accord de tous ses éléments en harmonie, souffrant d’une rupture d’équilibre, d’une sorte de blessure à son être idéal, d’un déchirement de son tissu