Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


MORALISTES ANGLAIS CONTEMPORAINS



M. H. SIDGWICK




L’ouvrage de M. Henry Sidgwick, les Méthodes de morale, a soulevé de vives polémiques de l’autre côté du détroit. Il n’est jusqu’ici pas un des numéros de Mind qui n’ait contenu soit une critique du livre, soit une réponse de l’auteur. MM. Bain, Galderwood, Alfred Barratt, H. Bradley l’ont attaqué à différents points de vue, non sans talent ; M. Sidgwick continue à faire tête de tous côtés, et sans doute le débat n’est pas clos. Il prouve tout au moins l’importance de l’œuvre et l’intérêt tout particulier que les Anglais attachent à la nature des problèmes en discussion et aux solutions nouvelles qu’ils reçoivent. En effet, sous l’analyse pénétrante de M. Sidgwick, il semble bien que les systèmes de l’égoïsme et de l’intuitionisme aient succombé pour toujours, et si l’utilitarisme reste debout sur leurs ruines, c’est un utilitarisme d’un caractère tout à fait original, ce qui n’est pas un mince mérite, après les perfectionnements successifs que, depuis Bentham, les Stuart Mill, les Bain, les Spencer, les Darwin n’ont cessé d’apporter à cette doctrine. Aussi avons-nous cru devoir consacrer ici une étude à cette œuvre considérable, encore peu connue parmi nous.

M. Sidgwick commence par déterminer la nature et l’objet de la morale. Elle peut être définie la science de la conduite ; elle fait partie d’une science plus générale, la science de la pratique, qui renferme, avec elle, la jurisprudence et la politique.

Les sciences pratiques se distinguent des sciences spéculatives, en ce qu’elles ont pour objet, non le réel, mais l’idéal, ce qui doit être, non ce qui est. On peut donc définir encore la morale : la science de