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ANALYSESj. huber. — Die Forschung nach der Materie.

en l’unité d’une apparence déterminée et par suite en une unité d’étendue ou en une grandeur d’unité déterminée. » C’est le résultat d’une sorte d’addition. L’intuition d’espace peut ainsi consister en une subjectivité qui est donnée dans une seule et même perception d’une multiplicité simultanée. Il en est de même pour les autres sens, même pour l’ouïe, car nous ordonnons dans l’espace des sons qui résonnent simultanément[1].

Par là se trouverait prouvé en même temps le fait de l’indivisibilité de notre propre existence. L’appréciation d’une grandeur extensive ne nous est pas immédiatement donnée ; elle est aussi notre œuvre, "comme le démontre l’exemple des aveugles-nés opérés. À cette subjectivité de l’intuition d’espace se rattache celle de toutes les qualités qui sont liées à l’espace. Les trois dimensions mêmes ne sont qu’une qualité spécifique de l’âme humaine. De là les travaux de Sartorius, Gauss, Riemann, Zöllner, Liebmann, etc., et la tentative de faire une géométrie non euclidienne.

Si l’intuition d’espace est simplement une apparence dans notre conscience sensible, dépendant de la coexistence des choses sensibles, l’intuition du temps est celle d’une série de sensations et de perceptions, qui nous apparaît, par suite des changements de ces sensations et de ces perceptions, comme une sorte de mouvement. Le temps est donc purement relatif. Si le mouvement du monde entier était suspendu, il n’y aurait plus de temps par suite de l’immobilité de notre conscience. Ce qu’il y a d’objectif dans cette intuition, c’est la série des changements. Le temps, comme l’espace, est purement subjectif, et avec lui tous les attributs que nous lui rattachons ordinairement. Les questions sur la divisibilité infinie ou non de l’espace et du temps n’ont aucun sens. Ce qui est infini, c’est notre pouvoir de les concevoir l’un et l’autre.

Mais la subjectivité, comme simple et toujours semblable à elle-même, ne peut pas être comme le fondement de la multiplicité et du changement dans les perceptions. Ces perceptions doivent lui être fournies par un autre facteur, et elle n’apporte d’elle-même à la diversité de ces données que l’unité, à leur mobilité que la stabilité, en tant qu’elle forme en elle-même les intuitions d’espace et de temps. Cet autre facteur, ce sont les choses, considérées comme produisant en nous les sensations, et les choses, à ce point de vue, sont posées comme des causes ou des forces, car le concept de force est de pouvoir causer des changements. Le monde peut donc être considéré comme un ensemble de forces.

Ces forces n’existent qu’autant qu’elles agissent, et, à moins d’admettre la continuité de la matière, il faut reconnaître qu’elles agissent à distance. Il faut aussi supposer qu’elles sont multiples, car toute

  1. V. E. Cyon, sur le sens de l’espace, Comptes rendus de l’Académie des sciences, 31 déc. 1877.