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herbert spencer. — études de sociologie

où les chefs se tiennent dans leur maison, dans l’obscurité, en sorte « que les yeux du vulgaire ne peuvent les contempler à l’aise, » le roi « ne prend même pas séance au conseil, » mais qu’il « se tient dans une pièce obscure » et « observe par une fenêtre ce qui se passe dans la chambre à côté. » Il y a aussi « un interprète qui sert d’intermédiaire entre le roi et son peuple en toute affaire d’État ; cet officier porte le titre de voix ou parole du roi. » Je pourrais ajouter que cette analogie entre les agents de communication séculiers et sacrés se trouve dans certains cas reconnue par les peuples dont les institutions les consacrent. Thomson nous dit que dans la Nouvelle-Zélande on regardait les prêtres comme les ambassadeurs des dieux.

Nous avons une autre preuve de cette homologie. Dans les pays où, à côté d’une civilisation avancée, le culte des ancêtres est demeuré dominant, et où les dieux et les hommes ne sont par conséquent séparés que par une différenciation légère, les deux organisations gouvernementales ne sont que légèrement différenciées. La Chine nous en offre un excellent exemple. Le P. Huc nous raconte que « les empereurs de la Chine ont l’habitude de diviniser… les officiers civils et militaires dont la vie a été marquée par un acte mémorable, et que le culte qu’on leur rend constitue la religion officielle des mandarins. » De plus nous savons par Gutzlaff que l’empereur « confère des titres à des officiers qui ont quitté ce monde, et qui se sont montrés dignes de sa haute confiance : il les crée gouverneurs, présidents, inspecteurs, etc., dans les Enfers, et par ces actes il établit son autorité même sur les mânes. » Enfin nous lisons dans les récits de Williams que le Li-pu, ou Conseil des Rites, connaît des pratiques des cinq genres d’observances, à savoir les actes de propitiation, les félicitations, les rites militaires et hospitaliers, et les démonstrations de condoléances, et qu’il rend des arrêts en ces matières. À l’une des sections de ce conseil ressortissent les formalités cérémonielles, c’est-à-dire l’étiquette en vigueur à la cour, les règlements somptuaires, les prescriptions relatives aux voitures, aux harnais, aux cortèges, aux insignes et aux relations de personne à personne ou par écrit entre les divers rangs d’égaux. Une autre section s’occupe des rites à observer dans le culte des dieux et des esprits des monarques défunts, des sages, des honorables, etc. ; d’où l’on voit que le même conseil règle le cérémonial religieux aussi bien que le cérémonial civil. À cet exposé sommaire nous pouvons ajouter le passage suivant : « à la cour, le maître des cérémonies se tient en vue de tout le monde, et d’une voix haute commande aux courtisans de se lever et de s’agenouiller, de rester debout ou de marcher ; » c’est-à-dire qu’il dirige les adorateurs du monarque comme un grand