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H. Joly. — De l’Imagination, étude psychologique. Bibliothèque des merveilles ; Paris, Hachette, 1 vol., 1877.

La monographie psychologique de l’imagination parait avoir de l’attrait pour les philosophes, et particulièrement pour les professeurs de la Faculté de Dijon. En 1868, M.  publiait un livre plein de faits, de science, intitulé l’Imagination, ses bienfaits et ses égarements. Aujourd’hui, M. Joly, son successeur, revient à son tour sur ce sujet, avec l’avantage que lui donnent, pour le mieux approfondir, les travaux les plus récents de la médecine et de la physiologie. Enfin, il y a deux ans, sous un titre exactement semblable, de l’Imagination, Étude psychologique, la Faculté des lettres de Nancy recevait comme thèse de doctorat un résumé élégant et agréable de la question[1].

Rien de plus utile au progrès des recherches psychologiques que des essais de ce genre, qui, comme la thèse du regrettable Gratacap sur la Mémoire, ou le livre de M. Bouillier sur le Plaisir et la Douleur, portent exclusivement sur un des aspects de l’âme humaine. Rien de plus difficile en même temps, parce qu’on ne peut qu’avec peine, en pareil cas, isoler et limiter son sujet, les phénomènes qu’on cherche à saisir étant dans la réalité mêlés et confondus avec une multitude d’autres phénomènes. Rechercher, pour les mettre à part, dans la mêlée confuse des mouvements de l’âme, les seules opérations qu’un même air de famille permet de ranger sous un terme unique, c’est pour le psychologue une tâche aussi délicate que le serait le travail d’un ouvrier qui, dans une étoffe bariolée de mille couleurs, aurait à ressaisir et à retrouver, parmi tous les autres, les fils de même nuance intimement unis au tissu commun. Cette difficulté est particulièrement sensible, quand il s’agit d’une puissance dérivée comme l’imagination, qui emprunte ses éléments aux sens, en même temps qu’elle se mêle, dans son développement ultérieur, à toutes les manifestations de l’esprit. Nous ne nous étonnerons donc pas que l’ouvrage, d’ailleurs si intéressant et si instructif de M. Joly, soit parfois infidèle à son titre, et qu’il faille y constater par endroits des omissions, des lacunes, et d’autre part des digressions et des épisodes.

Marquons d’abord le plan et la méthode suivis par M. Joly. Il commence par étudier l’imagination dans ses formes les plus caractérisées et les plus saillantes, alors que, libre de tout frein, sans règle et sans contre-poids, elle substitue son action indépendante à l’action des autres forces morales, et enfante des situations anormales, telles que le somnambulisme et l’hallucination. Dans une série d’analyses et de tableaux bien faits, il nous présente successivement le somnambule, l’extatique, l’halluciné, le maniaque, l’aliéné, l’homme qui rêve, l’homme crédule, les passionnés et les faibles d’esprit. Il parcourt ainsi, selon une progression descendante, les degrés de moins en moins expressifs de ce

  1. N. Michaut : De l’imagination, Étude psychologique, 1876. Ce livre a été analysé dans la Revue, tome III, p. 105.