Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/488

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
478
REVUE PHILOSOPHIQUE

en curieux Aigues-Mortes et Cette, Marseille et Avignon ; puis nous assistons avec lui à la réception d’un docteur en médecine, dont le cérémonial le met en bonne humeur, et aux États-Généraux de Languedoc, qui lui suggèrent de plus graves réflexions. Tout l’intéresse. Dans sa retraite, les jours de solitude et de loisir, surtout les jours de pluie, il revoit, met en ordre, complète ses notes sur l’Entendement. À nulle autre époque, il n’avait autant médité sur la philosophie proprement dite ; et c’est durant ce séjour à Montpellier que sa pensée philosophique semble arriver à maturité. Mais cela ne l’empêche pas de recueillir pour Shaftesbury des recettes d’horticulture, pour Boyle et la Société royale des observations sur les salines et les hôpitaux, pour ses amis et pour lui-même des descriptions de costumes et des traits de mœurs.

Shaftesbury (alors prisonnier d’Etat à la Tour de Londres) lui ayant recommandé le fils d’un riche marchand de ses amis, Locke vint au-devant de ce nouveau pupille jusqu’à Paris par le sud-ouest, mais fut malade quinze jours en route, dans la région de Bordeaux. À Paris, il resta plus d’un an, visitant avidement les curiosités de la ville et des environs, la Bibliothèque du roi, le Louvre, l’Observatoire, les Gobelins, Saint-Germain, Versailles et Fontainebleau, mais surtout se liant avec tous les savants auprès de qui il pouvait se faire introduire, avec les voyageurs Bernier et Thévenot, plus encore avec l’érudit Toynard, qui resta vingt-cinq ans son correspondant et son ami. Tantôt il assistait à des expériences de physique, tantôt à des observations médicales. Le système des impôts, les corporations, les métiers, le luxe de la cour, les plaisirs de la ville fixaient tour à tour sa curiosité. L’été suivant, il entreprit une nouvelle tournée à travers les provinces de l’Ouest et du Midi, vit Orléans, Blois, Angers, La Rochelle et Bordeaux. Là, il visite à petites journées les vignobles, recueille les notes les plus minutieuses sur un ménage de vignerons du Médoc, sur les salaires, la nourriture, les loyers, toute la vie physique et morale des paysans. Puis, par Toulouse, il arrive à Montpellier, projetant de traverser la Provence pour gagner l’Italie et Rome. Ce qui l’en empêcha, nous l’ignorons ; mais il remonta presque aussitôt à Lyon, puis à Paris, où il passa de nouveau l’hiver. À la fin d’avril 1679, il était de retour en Angleterre.

Shaftesbury, sorti de la Tour de Londres pour devenir président du Conseil, le rappelait. On sait peu de chose de la part que Locke put prendre aux affaires pendant ce nouveau et court passage de son patron au pouvoir ; mais il lui demeura attaché, quand, vaincu encore une fois par le parti catholique et antinational, qui faisait au plus dissolu des rois le plus honteux entourage, le comte fut de