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delbœuf. — la loi psychophysique

être mesurée par la juxtaposition directe de petites sensations égales. Il a donc fallu tourner la difficulté ; et c’est l’excitation même, qui, par l’intermédiaire de la formule, permet d’évaluer la sensation (p. 1). C’est ainsi que l’on mesure indirectement la chaleur par l’élévation de la colonne du thermomètre. Nous verrons plus tard si ce procédé de mesure indirecte est légitime.

Ces différentes considérations, judicieuses d’ailleurs, ne sont pas toutes du même ordre. Celles que je viens d’exposer en dernier lieu sont du ressort de la philosophie des mathématiques. C’est au contraire une simple question de fait, à résoudre principalement par l’expérience, que celle de savoir si la sensation croît comme le logarithme de l’excitation. Mais c’est de la spéculation pure de prétendre qu’entre l’excitation et la sensation il y a une force psychophysique intermédiaire qui se dégage proportionnellement à l’excitation, et qui n’engendre de sensation que dans la mesure de son logarithme. Et d’abord cette force psychophysique pourrait fort bien ne pas exister. Il pourrait aussi se faire, si elle existe, qu’elle créât des sensations proportionnelles à son intensité, et que la loi logarithmique n’intervînt que pour régler ses rapports avec l’excitation. Il serait encore très-facile d’imaginer à l’infini d’autres rapports de ce terme intermédiaire avec les deux autres, sans compromettre le moins du monde la relation qui existe entre ces derniers. Fechner dit bien, à l’appui de sa manière de voir, que, dans le monde physique, les effets sont proportionnels aux causes, et qu’il n’en est pas nécessairement de même dans le monde psychique ; mais Hering, prenant le contre-pied de cette thèse, croit que la représentation interne du monde extérieur n’est fidèle qu’à la condition d’être une réduction proportionnelle de la réalité.

On le voit sans peine, la psychophysique de Fechner prête le flanc à des objections de diverses natures. On peut l’attaquer sur le terrain de la spéculation — c’est ce qu’ont fait Brentano, Hering, Langer, Mach, Classen, Ueberhorst, Bernstein — au point de vue mathématique — c’est ce qu’a entrepris Langer — enfin dans sa base expérimentale, nier en tout ou en partie les faits sur lesquels elle s’appuie ou lui en opposer d’autres qui la mettent à néant — c’est ce qu’ont fait Helmholtz, Aubert, Hering, Langer et Lowne[1]. Quant aux objections que j’ai faites, elles se rattachent à tous ces points de vue à la fois.

Voilà une série assez respectable des polémistes à qui l’illustre

  1. Ce n’est pas la classification adoptée par Fechner, mais c’est celle qui m’a paru le plus convenable pour faire comprendre le procès. Enfin Lowne n’est pas mentionné dans son ouvrage, parce que les travaux de ce savant viennent seulement de paraître.