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ment développé, on avait acheté à l’aide des présents offerts aux esprits et aux dieux des propriétés sacrées, nombreuses et riches, qui servaient à entretenir les prêtres de toutes sortes. Nous voyons une genèse pareille chez les anciens peuples historiques. Chez les Grecs, « les restes du sacrifice sont le salaire des prêtres, » et « tous ceux qui servaient les dieux vivaient des sacrifices et des autres saintes offrandes. » Il en était de même chez les Hébreux. Dans le Lévitique, ii, 10, il est dit : « Et ce qui reste de l’oblation appartiendra à Aaron et à ses fils » (les prêtres institués) ; et d’autres passages attribuent au prêtre la peau de l’offrande, et toute l’offrande quand elle est cuite au four ou frite dans une poêle. Nous observons un développement analogue dans l’histoire du christianisme primitif. « Dans les premiers âges de l’Église, ces deposita pietatis mentionnés par Tertullien étaient tous des oblations volontaires. » Ensuite, « il devint nécessaire d’entretenir le clergé par des moyens plus réguliers ; mais le peuple continuait de faire des offrandes. Celles-ci comprenaient tout ce que les pieux chrétiens offraient à Dieu et à l’Église ; d’abord volontaires, l’usage les rendit ensuite obligatoires. » Au moyen-âge, nous voyons une phase plus élevée de la transition : outre ce qui était nécessaire à la communion des prêtres et des laïques et ce qui était destiné aux cérémonies, l’usage était d’abord d’offrir toutes sortes de présents ; plus tard, ces présents furent portés directement chez l’évêque sans passer par l’église. Ces dons, en se continuant, en augmentant, en devenant des legs faits nominalement à Dieu et en réalité à l’Église, devinrent la source des revenus ecclésiastiques.

Sans doute beaucoup de lecteurs ont fait, à propos de nos observations précédentes, la critique que nous représentons tous les présents comme étant offerts par des inférieurs pour gagner la faveur de leurs supérieurs et que nous passons sous silence les présents offerts dans un autre but par des supérieurs à leurs inférieurs. Quoique ces derniers ne fassent pas partie de ce qui peut être appelé le gouvernement cérémoniel, il faut cependant les prendre en considération. Le contraste entre la signification de ces deux genres de présents apparaît clairement dans les pays où l’offre de présents est soigneusement réglée, par exemple en Chine. « Pendant ou après les visites habituelles entre supérieurs et inférieurs, il se fait un échange de présents ; mais ceux des premiers sont accordés à titre de dons, tandis que ceux des derniers sont reçus comme des offrandes : ce sont les expressions chinoises qui désignent les présents échangés entre l’empereur et les princes étrangers. »

Le pouvoir du chef politique continuant de se développer, celui-ci