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différence entre les locutions « Je suis ton fils » et « Je suis ton serviteur ou ton esclave ». D’anciens exemples nous montrent cette équivalence, par exemple quand « Ahaz envoya des messagers à Tiglath-pileser pour lui faire dire : « je suis ton serviteur et ton fils : viens et délivre-moi. » Le moyen âge nous fournit également des exemples. Nous avons vu qu’à cette époque des chefs demandaient à des chefs plus puissants de les adopter ; ils s’engageaient ainsi à une servitude filiale et prenaient le nom de fils ; ainsi Théodebert Ier et Childebert II demandèrent aux empereurs Justinien et Maurice de les adopter. Nous ne manquons pas de preuves établissant que cette expression de subordination se répand comme les autres, jusqu’à ce qu’elle passe à l’état de compliment dans le discours. « Un habitant de Samoo ne peut pas se servir d’un langage plus persuasif que de s’appeler le fils de la personne à laquelle il s’adresse. »

De ces phrases complimenteuses, qui expriment notre humiliation, nous passons à celles qui exaltent une autre personne. Les unes et les autres, prises à part, sont l’aveu d’une infériorité relative, et cet aveu devient plus énergique quand elles sont jointes ensemble, comme elles le sont ordinairement.

À première vue, il ne semble pas probable que les louanges, comme les autres actes de propitiation, aient leur origine dans la conduite du vaincu à l’égard du vainqueur ; mais nous avons des preuves que telle est réellement leur origine, du moins en certains cas. En tête des prières adressées par les ennemis vaincus à leur vainqueur Ramsès II, pour implorer sa miséricorde, se trouvent ces expressions élogieuses : « Prince gardien de ton armée, vaillant avec l’épée, rempart de ses troupes au jour de la bataille, roi d’une force puissante, grand Souverain, Soleil puissant dans la vérité, chéri de Ra, puissant dans les victoires, Ramsès Miamon. » Évidemment, il n’y a aucune délimitation à établir entre de telles louanges adressées par les vaincus et celles qu’ils donnent ensuite en qualité de peuple toujours soumis ou celles que les sujets adressent ordinairement à leurs souverains militants et despotiques. Nous passons sans transition à ces expressions de glorification adressées au roi de Siam : « Puissant et auguste Seigneur ! Miséricorde divine ! » « Ordre divin ! » « Maître de la vie ! » « Souverain de la terre ! » etc., ou à celles adressées au Sultan : « Ombre de Dieu ! » « Gloire de l’univers ! » ou à celles adressées à l’empereur de Chine : « Fils du Ciel ! » « Seigneur de dix mille ans ! » ou à celles adressées il y a à peu près deux ans par les Bulgares à l’empereur de Russie : « Ô Czar béni ! » « Bienheureux Czar ! » « Czar orthodoxe et puissant ! » ou à celles qui commençaient autrefois les discours adressés au roi de France : « Ô