Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/659

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
649
herbert spencer. — études de sociologie

société sont le plus fortement développés, que ces sortes de discours sont le plus emphatiques. Des expressions hyperboliques, telles que : « Ô roi, vis éternellement ! » nous descendons aux salutations entre égaux qui expriment une grande sympathie en termes aussi exagérés. Ainsi les Arabes expriment leur vif intérêt en répétant rapidement pendant plusieurs minutes : « Dieu merci, comment vous portez-vous ? » et, s’ils sont bien élevés, ils interrompent la suite de la conversation en demandant encore une fois : « Comment vous portez-vous. » Ainsi les Chinois affirment directement leur affection en écrivant sur une simple carte de visite remise au portier de la personne qu’ils viennent voir : « Le tendre et sincère ami de Votre Seigneurie, le disciple perpétuel de votre doctrine, se présente pour rendre ses devoirs et faire sa révérence jusqu’à terre. » Parmi les peuples occidentaux, chez lesquels le pouvoir personnel n’a jamais atteint ces limites, les protestations d’amitié et de sollicitude ont été moins exagérées, et elles sont devenues moins emphatiques à mesure que la liberté s’est développée. En France, pendant le xive siècle, « chaque fois que le héraut criait à la table du roi : Le roi boit ! chacun faisait des vœux et criait : Vive le roi ! » Quoique ce souhait et d’autres analogues subsistent encore en Angleterre et sur le continent, on est cependant loin de le répéter aussi fréquemment. Nous pouvons faire la même observation touchant les souhaits exprimés dans les relations sociales. Sans doute on peut encore entendre le cri : « Longue vie à Votre Honneur ! » mais on l’entend seulement chez des gens qui, maintenus jusque dans ces derniers temps sous une autorité personnelle, sont même aujourd’hui guidés dans leur conduite par leur soumission aux représentants des anciennes familles. Au contraire, dans les parties du royaume affranchies plus longtemps des formes féodales et disciplinées par l’industrialisme, les expressions habituelles d’intérêt se résument en : « comment vous portez-vous ? » « Au revoir ! » et le ton dont on les prononce est en rapport avec le sentiment qui les dicte. Il est intéressant de noter qu’à côté de ces phrases fort répandues, dans lesquelles on appelle la protection divine sur la personne saluée, — par exemple dans le salut des Arabes : « Que Dieu vous accorde ses faveurs ! » ou dans celui des Hongrois : « Dieu vous conserve en bonne santé ! » ou dans celui des nègres : « Dieu vous protège I » — et à côté des phrases également fort répandues qui expriment l’intérêt par des informations touchant la santé, la force et la fortune, il y en a d’autres qui sont caractérisées par des conditions locales. L’une est le salut oriental : « Que la paix soit avec vous ! » originaire des époques troublées où la paix était le grand desideratum ; une autre est : « Comment transpirez-vous ? »