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logarithmique. Mais ce fut, comme je l’ai dit, à la lecture dans la Revue scientifique, de la lettre d’un mathématicien français « qui n’a point dit son nom et qu’on n’a point revu », que la lumière s’est faite complètement à mes yeux et que je me suis rendu exactement compte du vice fondamental de la formule de Fechner.

L’auteur ne connaissait pas la matière ; il avait lu seulement un exposé fait par M. Ribot des résultats de la psychophysique. Naturellement il commet des erreurs plus ou moins graves; mais, à travers les hésitations de tout homme qui s’aventure sur un terrain qui ne lui est pas familier, il a su mettre parfaitement en relief le point faible de l’équation qui, pour le créateur de la psychophysique, sert de base à sa théorie. « Gomme on ne peut, dit-il i-, prendre le logarithme que d’un nombre et que le logarithme d’un nombre est un nombre, il faut, pour que la loi de Fechner ait un sens, que la sen- sation et l’excitation y soient remplacées par des nombres. Il serait utile de dire comment on parvient à ces nombres, de quelle mesure ils sont l’expression, au moyen de quelle unité on les obtient. C’est de cette manière que l’on procède en physique; c’est avec un soin minutieux que l’on définit les unités, que l’on décrit les procédés de mesure, que l’on fixe le sens des nombres. Rien de pareil ici. On se borne à établir entre deux termes dont aucun 2 n’a de sens précis une relation où figure une fonction transcendante. »

Passant à la critique de la formule de Fechner, S = k log E/b, il ajoute ensuite : « Sous les restrictions que j’ai faites plus haut, je comprends à peu près le second nombre de l’équation différentielle, mais le premier, monsieur ! Qu’est-ce donc que la différentielle dS de la sensation ? Quand on ne sait pas surtout ce que signifie la différence de deux sensations, comment peut-on bien parler de la différentielle d’une sensation ? » Et il conclut en ces termes ironiques : « Au fond, il n’y aurait, je crois, qu’un moyen d’entendre la loi de Fechner : ayant défini l’excitation E d’une façon précise, on définira la sensation S par la formule S = k log E/b, Toutes les définitions sont permises; mais vraiment... j’ai ce logarithme-là sur le cœur. »

Et, en effet, c’est bien ainsi que Fechner définit la sensation et, pour lui, la sensation unité, c’est celle que l’on ressent quand le second membre de l’équation est égal à 1.

1. 13 mars 1875. Voir aussi les n 1 " du 24 avril et du 15 mai où se trouvent des réponses de M. Wundt et de moi, et des répliques ultérieures.

2. C’est là une erreur : l’excitation a un sens précis. Le critique anonyme a d’ailleurs plus tard abandonné ce grief.

3. C’est aussi la définition de l’unité de sensation d’après Wundt {Menschen und Thierseele, I, p. 116).