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LES

TENDANCES CRITIQUES EN ALLEMAGNE[1].


HELMHOLTZ ET DU BOIS-REYMOND




I. — Sur le devant de la scène philosophique, aujourd’hui encore, en Allemagne, ce sont des métaphysiques qui tout d’abord attirent et il faudrait presque dire, confisquent l’attention. Si, depuis longtemps, Fichte est oublié, si Schelling a sombré dans le naufrage du romantisme avec Tieck, Novalis et les frères Schlegel, si Hegel lui-même, le grand maître de jadis, n’a plus de disciples qu’à Naples ou à Madrid, d’autres systèmes sont venus qui ont recueilli l’héritage des premiers. De tout temps, à en croire Henri Heine qui, certes, était initié, le panthéisme a été le secret public[2] de l’Allemagne. Que le mot « métaphysique » remplace le mot « panthéisme », et la proposition restera vraie. À l’heure présente, le « secret public » de la spéculation allemande, c’est ou le « pessimisme, » tel que l’expriment les deux écoles rivales issues de Schopenhauer et de Édouard de Hartmann, ou le « monisme » tel que l’a fondé le savant naturaliste d’Iéna, Ernest Haeckel, tel qu’en a rédigé la formule et le dogme, un converti fervent, Louis Noire[3]. La réaction même contre les hypothèses, les rêves, les chimères de l’idéalisme d’hier est encore, malgré les apparences, une métaphysique, et sous ce nom qui veut être modeste « philosophie de la réalité[4], » la pensée du

  1. Culturgeschichte und Naturwissenschaft (discours prononcé le 24 mars 1877, par E. du Bois-Reymond, à Cologne, pour l’Association des lectures scientifiques).

    Das Denken in der Medicin (discours prononcé le 2 août 1877, par H. Helmholtz, à Berlin, pour l’anniversaire de l’Institut de médecine militaire).

  2. H. Heine. L’Allemagne, tome I, p. 85.
  3. L. Noire. Der Monistiche Gedanke. — La Revue philosophique a rendu compte de cet ouvrage, tome I, p. 625.
  4. Philosophie der Wirklichkeit. (Voir l’analyse du Cours de philosophie de Dühring, dans la Revue philosophique, tome II, p. 393.)