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ANALYSES. — Der Ursprung der Sprache.

n’apparaît qu’avec la proposition : il faut donc montrer le point de départ de la division du discours en sujet et prédicat, pour avoir saisi l’origine du langage dans l’espèce humaine. Cela n’est possible malheureusement que par voie d’explications psychologiques.

L’analyse historique des langues en effet ne peut remonter jusqu’à l’onomatopée. « Avec l’éclosion du mot au sein de la racine onomatopéique, en d’autres termes avec l’évolution des représentations mentales à partir de l’intuition primordiale, se trouve nécessairement tranché le lien immédiat de la signification avec le sentiment : ainsi disparaît le caractère onomatopéique du langage. » On ne peut passer de la racine historiquement connue à la racine onomatopéique. « Si les racines du langage sont des sons réflexes où se reflète un mouvement de l’âme qui en constitue la signification, quel peut être cet état de l’âme réfléchie par chaque forme phonétique appelée racine ? Impossible de le dire à priori. D’ailleurs ces racines dont nous parlons ont-elles plus de six à dix mille ans ? et rien que durant ces derniers dix mille ans n’ont-elles pas changé de caractère et de signification ?

Au lieu de faire coïncider l’époque de formation des racines avec l’époque d’éclosion des sons onomatopéiques, il était donc indispensable d’admettre une période d’élaboration intermédiaire. Voici d’ailleurs d’autres raisons décisives. J’avais cru, nous dit M. Steinthal, que le langage avait débuté avec une multitude considérable de formes onomatopéiques correspondant au contenu de la perception, que l’homme primitif avait pour ses nombreuses intuitions mentales distinctes tout autant de dénominations onomatopéiques différentes. Affirmation qui ne saurait être établie ni par l’histoire, ni par la psychophysiologie. En effet, « le sentiment interne, restant toujours un état subjectif, ne renferme rien du contenu objectif de la sensation et de la perception. D’autre part, le mouvement réflexe qui suit ne peut nous faire connaître que ce qui est impliqué dans le sentiment interne, et il ne dénote, lui non plus, rien du contenu objectif de la perception. Un homme rit, montre une mine joyeuse, rougit, etc. : mais à cause de quoi rit-il, est-il gai et heureux, rougit-il ? Cela ne se devine pas d’après le mouvement réflexe… La seule chose qui arrive à s’extérioriser en sons, à se transformer en mouvements vocaux, n’est rien de plus que ce que je nomme avec le psychologue Volkmann « la nuance du sentiment » (Gefühlston), comme nous disons les nuances des couleurs, ou, suivant l’expression adoptée par Cohen, « le mode général des mouvements nerveux » ou « l’état sensationnel ». Un nerf sensitif est excité du dehors : aussitôt son état normal, habituel, se trouve dérangé. Ce genre de perturbation est le même pour tous les nerfs. Or combien d’espèces de commotions de ce genre peut-on imaginer ? Pression, traction, torsion momentanée ou prolongée, choc simple ou intermittent à de très-petits intervalles, avec du plaisir ou de la douleur à