Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
ANALYSES. — Der Ursprung der Sprache.

qu’ils ne peuvent donner, parce que je supposais à tort l’homme doué dès le commencement d’une conscience humaine. Il faut faire au jeu psychologique une place plus grande à l’origine (p. 318). » En réalité, la disparition de l’onomatopée commence bien avant la fixation des mots-racines. À la théorie des sons réflexes, insuffisante par elle seule, il convient donc d’adjoindre une « théorie de l’association des représentations ».

Conclusion. — La formation du langage humain est « un drame à scènes multiples qui s’étend à travers de longues périodes de temps ». « Ces scènes sont les aperceptions de l’esprit, ou formations de mots progressives ; le langage est ce processus varié par lequel les représentations mentales émergent d’intuitions simples. L’homme privé de langage ne doit pas être conçu comme une sorte d’Adam trônant au milieu du paradis avant la création de la femme ; il n’est nul besoin de le considérer comme l’œuvre d’une création nouvelle ; il n’est bien plutôt qu’un animal intelligent assailli par une foule d’intuitions et de connaissances intuitives communes à tous les animaux. Ce que peut savoir et connaître un animal en liberté, voilà ce qu’il nous est permis d’accorder à l’homme dépourvu de la parole : on ne dira pas que ce soit trop. On pourra, tant qu’on voudra, grossir la série de ses intuitions appliquées aux pierres, aux arbres et à leurs fruits, à l’eau, aux phénomènes atmosphériques, au reste des animaux, etc. ; on y joindra les sentiments de la faim et de la soif, du bien-être et du mal-être, et l’ensemble d’actions ou de fonctions organiques sur lesquelles sa vie repose, boire, manger, se battre, chasser, etc. Ces intuitions ne forment pas encore la large base sur laquelle doit s’élever le monde des représentations. Ce dernier provient, selon moi, d’un processus spécial, et manifeste une création nouvelle à côté et au-dessus des intuitions simples. Je veux dire : les intuitions élémentaires ne s’élèvent pas directement, chacune pour soi, et suivant un mode spécial, au rang de représentations ; car alors chacune d’elles serait dénommée par un son réflexe propre, et il y aurait autant de mots-racines qu’il y avait primitivement d’intuitions. Loin de là, les représentations sourdirent toujours de représentations autres, et les aperceptions nouvelles se parfaisaient à l’aide d’aperceptions toutes faites. Autrement dit, on dénomma les intuitions au moyen de noms qui étaient déjà le résultat d’un autre processus dénominatif : les mots naissent d’autres mots. L’intuition x par exemple coïncidait avec la représentation n, laquelle s’était formée déjà en qualité d’aperception d’une intuition n aussi en même temps que la représentation a. Ainsi arrive-t-on à concevoir comment, à l’aide d’un petit nombre de représentations fondamentales, comme a dans le cas précédent, le monde des mots ou représentations résulte de la combinaison des aperceptions nouvelles avec les aperceptions toutes faites. Ces aperceptions fondamentales, très-peu nombreuses, sont le produit de simples onomatopées… De là sort, grâce au progrès de l’aperception, la foule des noms et des représentations. » L’onomatopée est donc bien « la source