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ÉTUDES DE SOCIOLOGIE

LE GOUVERNEMENT CÉRÉMONIEL

(dernier article).


VII. — Titres[1].


L’intelligence humaine à l’état inculte ne fait aucune innovation. Opiniâtrement attaché à tout ce que ses ancêtres lui ont appris, l’homme primitif n’arrive à des choses nouvelles qu’à travers des modifications indépendantes de sa volonté. Ce que chacun sait maintenant être vrai des langues, à savoir qu’elles ne sont pas créées, mais qu’elles sont le produit de l’évolution, est également vrai des usages. Aux nombreuses preuves de ce fait les chapitres précédents en ont ajouté de nouvelles.

La même observation s’applique aux titres. Considérés dans leur état actuel, ils nous paraissent artificiels ; on est tenté de croire qu’à une époque ou à une autre ils ont été institués de propos délibéré. Autant vaut croire que nos noms communs ont été institués de propos délibéré. Les noms des objets, des qualités et des actes sont à l’origine directement ou indirectement descriptifs, et les noms que nous classons parmi les titres ressemblent sous ce rapport à tous les autres. Le sourd-muet qui nous fait penser à la personne qu’il veut désigner en contrefaisant quelqu’une de ses particularités ne songe nullement a introduire un symbole ; de même le sauvage ne veut point créer de symbole ni quand il désigne un endroit comme celui où le Kangaroo a été tué ou celui où le rocher s’est écroulé, ni quand il nous rappelle un individu en faisant allusion à quelque trait saillant de son extérieur ou à quelque événement de sa vie, ni quand il donne ces noms littéralement ou métaphoriquement descriptifs qui de temps en temps se transforment en titres.

La conception même d’un nom propre ne s’est développée qu’insensiblement. Le fait que parmi les peuples peu civilisés un enfant

  1. Voir le numéro de juin 1878.