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point de départ de sa découverte. Que si maintenant nous cherchons une formule qui puisse faire connaître en quoi consiste le bon usage des statistiques et des moyennes, je n’en trouve pas de meilleure que celle qu’a donnée M. Cl. Bernard lui-même :

« Les moyennes ne sont applicables qu’à la réduction de données numériques variant très-peu et se rapportant à des cas parfaitement déterminés et absolument simples[1]. »

C’est à la solution du problème posé en ces termes que M. Venn applique toutes les ressources de sa pénétrante analyse. Ici se pose la question si controversée parmi les mathématiciens de la méthode des moindres carrés. À mon avis, M. Venn l’a traitée avec beaucoup de justesse et de bon sens.

Il commence par distinguer deux éléments de la difficulté que l’on confond d’ordinaire tout à fait à tort : 1° la loi de l’erreur ; 2° la règle des moindres carrés. La loi de l’erreur consiste en ce que les erreurs sont d’autant moins nombreuses qu’elles sont plus considérables, ou, ce qui revient au même, en ce que les erreurs les plus petites sont aussi les plus fréquentes. Il existe une liaison mathématique entre la grandeur d’une erreur et son degré de fréquence. Cette liaison ne peut pas être déterminée à priori ; elle est fixée par une hypothèse convenable pour chaque cas particulier. Maintenant, cette loi étant admise, comment doit-on combiner des observations obtenues pour approcher autant que possible de la vérité ? La règle des moindres carrés donne la réponse à cette question. Cela posé, M. Venn établit successivement ces trois points :

1° Aucune méthode de traiter les erreurs ne peut permettre d’atteindre la vérité, sauf par accident.

2° Toute méthode régulière et symétrique (sauf certaines réserves) de combiner les erreurs permet d’approcher de la vérité, si l’on fait

  1. Introduction à la médecine expérimentale, IIe part., c. II, § 9.

    De l’emploi du calcul dans l’étude des phénomènes des êtres vivants ; des moyennes et de la statistique. — Voici du reste le résumé des idées de M. Cl. Bernard sur cette question : « La statistique ne saurait donc enfanter que des sciences conjecturales ; elle ne produira jamais les sciences actives et expérimentales, c’est-à-dire les sciences qui règlent les phénomènes d’après des lois déterminées. On obtiendra par la statistique une conjecture avec une probabilité plus ou moins grande, sur un cas donné, mais jamais une certitude, jamais une détermination absolue. Sans doute la statistique peut guider le pronostic du médecin, et en cela elle lui est utile. Je ne repousse donc pas l’emploi de la statistique en médecine, mais je blâme qu’on ne cherche pas à aller au delà et qu’on croie que la statistique doive servir de base à la science médicale ; c’est cette idée fausse qui porte certains médecins à penser que la médecine ne peut être que conjecturale, et ils en concluent que le médecin est un artiste qui doit suppléer à l’indétermination des cas particuliers par son génie, par son tact médical, etc. »