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analyses. — fechner. Vorschule der Aesthetik.

Comme nous rencontrons le bleu surtout dans les lacs, la mer et le ciel, par un temps serein, on associe naturellement le bleu à l’idée de la paix, de la sérénité. L’impression directe concourt d’ailleurs à produire le même résultat : le bleu repose la vue, le rouge la frappe violemment.

Formes : du concave et du convexe. — Étant donnée une surface convexe, l’œil, en passant de la circonférence au sommet de la convexité où il s’arrête, rencontre des plans qui se rapprochent toujours plus de lui ; qui s’en éloignent toujours davantage, si la surface est concave. Il semble que le regard soit repoussé par la convexité et attiré par la concavité. Cependant l’œil ne recule ni n’avance ; au contraire, le cristallin se bombe pour voir un objet rapproché, il s’aplatit pour distinguer un objet éloigné. C’est un phénomène d’association : nous sommes repoussés par une surface convexe, une surface concave nous attire et semble prête à nous recevoir. Cette impression journalière, en vertu du principe que nous défendons, s’est reportée sur tout objet concave ou convexe et a supplanté l’impression directe éprouvée par l’œil.

Par le fait, le dos se voûte pour s’opposer au coup qui lai est porté. La poitrine de l’homme fort saillit à l’encontre de ce qu’elle veut repousser. Le poing se ferme contre l’ennemi pour l’effrayer et le frapper. Les chevaux se tiennent en cercle pour se défendre des loups. Le pont s’arc-boute au-dessus du torrent pour garantir le passant. La bombe rebondit de la coupole d’un dôme. La pluie coule d’un parapluie ouvert. Au contraire, une main creuse, un tonneau vide, un sac ne veulent rien autre que d’être emplis. Une fosse ne peut rien repousser : on y tombe, à moins qu’elle ne soit munie d’une haie dont la convexité garantit de la chute. Une porte qui s’ouvre sur l’intérieur d’une maison n’invite-t-elle pas à entrer ? Des expériences analogues, répétées tous les jours, finissent par me donner une impression associée de la convexité et de la concavité et, selon les circonstances, revêtent un caractère agréable ou désagréable. Il y a plaisir à porter le regard au ciel ou à la voûte d’une cathédrale ; l’âme se trouve élevée pour ainsi dire avec le regard. Figurons-nous, par impossible, le ciel ou un plafond convexe, l’impression serait pénible, accablante, comme s’il voulait enfoncer l’homme dans le sol. C’est pourquoi les guirlandes qu’on suspend aux fêtes publiques d’une maison à l’autre, par-dessus la rue, font mauvais effet. Un fauteuil convexe[1], et qui opposerait un dos au nôtre, non-seulement serait incommode, mais aurait mauvais air ; légèrement concave, il invite à s’y asseoir. On imagine malaisément un bouclier concave, destiné qu’il est à repousser les traits de l’ennemi.

Positions : horizontale et verticale. — Il est, en soi, plus facile de suivre de l’œil une ligne horizontale qu’une ligne verticale, et les enfants

  1. Les fauteuils, divans, coussins capitonnés sont d’autant plus engageants que les formes en sont plus rebondies, parce qu’ici l’impression associée de l’élasticité de ces formes supplante celle de la convexité. Nous n’y voyons pas de concavité, mais nous y en imprimons une.