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saurait être ni plus ni moins qu’une tendance vers ce mouvement tel qu’il est en réalité quand il s’exécute, dans l’hypothèse qui attribue d’emblée à l’énergie de mouvement seule la faculté extensive, il est parfaitement incompréhensible qu'il puisse se former de pareilles différences entre les aperceptions de l’œil en mouvement et celles de l’œil en repos. Au contraire, tous ces phénomènes s’expliquent facilement si nous admettons que pour l’œil au repos les notions extensives se fixent par des signes locaux attachés aux sensations rétiniennes. Dans cette supposition en effet, quand il y a usage de l’organe, la relation de position immédiate des points de la rétine doit nécessairement acquérir de l’influence ; et de la sorte, quand nous immobilisons le regard, nous pouvons affranchir peu à peu l'aperception de l’image de l'influence que la forme spéciale de mouvement indispensable à la perception successive des parties isolées de ladite image exerce sur la reconstruction de l’image dans la conscience. Quoiqu’il en soit, il nous reste un fait important pour l’union et l’association intimes entre les sensations de mouvement et les signes locaux de la rétine. C’est qu’une pareille transformation de la notion acquise par le mouvement ne se produit que peu à peu, après une fixation longue et continue. De même, quand il y a production de lumière momentanée, ce qui exclut absolument un mouvement de l'œil, l’illusion existe visiblement. C’est surtout ce dernier fait qui me paraît inconciliable avec une manière de voir qui, autrement (par exemple en ce qui concerne la disparition des illusions engendrées par le mouvement), pourrait paraître séduisante, celle même qu’Helmholtz a mise en avant. Cette manière de voir consiste à admettre que les mouvements aussi bien que les signes locaux fixés dans la rétine sont tous deux susceptibles, indépendamment les uns des autres, de susciter la notion extensive. Mais si cela était exact, on devrait s’attendre à voir les illusions qui proviennent des lois du mouvement disparaître régulièrement quand le mouvement est exclu, et, quand il y a production momentanée de lumière, disparaître à tout le moins avec la même facilité qu’elles font quand le regard demeure longtemps fixe. C’est précisément cette circonstance qui me paraît indiquer avec une force irrésistible que la notion extensive est une fonction qui procède de la synthèse par association des sensations du mouvement et des signes locaux ; tandis que pour l’œil au repos les sensations de mouvement entrent sans plus comme éléments reproductifs dans le produit. On s’explique dès lors comment il peut se faire que, dans le cas de complète immobilisation, il survienne quelquefois des déviations opposées aux aperceptions de l’œil au repos. C’est qu’alors il y a toujours en jeu des perceptions contradictoires à la notion qui s’est