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ample source de nouvelles combinaisons possibles. Ces combinaisons peuvent s’effectuer de manières différentes. Voici les principaux modes d’association que nous pouvons imaginer pour les phénomènes de la sensibilité :


I. Les plaisirs et les peines peuvent s’associer :

1° Avec les sensations et les idées qui les précèdent ;

2° Avec les appétits ou les désirs qui les suivent ;

3° Avec les mouvements ou les actions qu’ils engendrent.

Tout cela, ce sont des associations du premier ordre, en tant qu’il n’y a là toujours que deux éléments hétérogènes qui s’unissent.


II. Les plaisirs et les peines peuvent s’associer en même temps :

1° Avec les sensations (ou idées) et les appétits (ou volitions) ;

2° Avec les sensations (ou idées) et les mouvements (ou actions) ;

3° Avec les phénomènes de l’activité subjective et ceux de l’activité objective ;

4° Avec ceux des trois autres ordres en commun.

Ce sont là des associations du second ordre, en tant qu’il y a plus de deux éléments hétérogènes qui les constituent.

On peut imaginer autant de modes de complication de tous les autres faits psychiques, et il est évident qu’en les énumérant, nous aurions dû répéter plusieurs combinaisons d’entre celles que nous venons de nommer ; autrement dit les plaisirs et les peines peuvent servir aussi d’éléments à des états complexes qui n’appartiennent pas au domaine de la sensibilité dans le vrai sens de ce mot.

C’est ce qui fait sans doute qu’on applique souvent dans le langage ordinaire le nom de sentiments à des états de conscience qui méritent plutôt d’autres noms génériques. Pour se soustraire à cette erreur, il faut toujours faire attention à l’idée qui prédomine dans le terme dont il s’agit. Il est facile de voir, par exemple, qu’il y a beaucoup de noms de passions où prédomine l’idée du désir sur celle du sentiment (la vengeance, la bienveillance). Il y en a d’autres qui indiquent plutôt une série d’actions que les faits affectifs qui les ont motivées (l’avarice, la luxure, la timidité, la servilité). Il faut donc avoir un critère pour distinguer les états complexes de la sensibilité proprement dite d’avec ceux qui appartiennent à d’autres classes de phénomènes psychiques, malgré les éléments affectifs qui y jouent quelque rôle. Ce critère le voici : il n’y a qu’à se demander toujours si l’état complexe en question peut être envisagé comme une espèce de plaisir ou une espèce de peine, ou enfin comme un mélange de ces deux modes d’affection. Car nous ne sommes pas de l’avis des psychologues qui partagent l’opinion de Platon, qu’il y a des états de la sensibilité qui présentent quelque