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grote. — classification nouvelle des sentiments

de ce que l’activité animale se trouve être tantôt enharmonie, tantôt en désharmonie avec l’activité végétative précédente. Leur différence dans le second cas dépend de ce que l’activité végétative peut être de même plus ou moins en accord avec la dépense de forces qui a précédé. Pendant que l’activité animale ne dépasse pas les bornes qui ont été marquées par l’activité organique précédente, il y a plaisir, et nous nommons ce plaisir positif, seulement en raison de ce que l’activité animale doit être envisagée comme le côté positif de la vie de tout organisme. Dès qu’elle exige plus de forces que n’en a emmagasiné dans l’organe le travail végétatif précédent, il y a douleur, souffrance, peine, et cette peine nous la nommons positive par la raison qu’elle provient aussi à la suite de l’activité animale. Tant que le travail organique, d’un autre côté, ne fait que réparer les forces dépensées par l’activité animale qui a précédé, il y a plaisir, et ce plaisir nous l’appelons négatifs, car il suit l’activité végétative qui joue un rôle négatif dans l’existence d’un être organisé. Dès que ce même travail dépasse les bornes indiquées par la dépense, il y a une accumulation de forces plus grande que ne le permet l’habitude de l’organe et de là cet état de tension désagréable que nous appelons besoin et qui, en tant qu’il est une espèce de peine, a été nommé peine négative par les raisons que nous venons d’indiquer. Mais tout cela soit dit en passant. Nous avons voulu mettre seulement plus en évidence la proposition que les états primitifs de la sensibilité ne peuvent correspondre qu’à des changements actuels de l’organisme et ne contiennent par eux-mêmes aucune idée sur les causes de ces changements. La mémoire et l’association, autrement dit l’expérience, privent bientôt les émotions de ces caractères primitifs.

Tout état de la sensibilité est précédé d’un nombre plus ou moins grand de sensations, internes ou externes, ou, ce qui revient au même, de faits élémentaires de connaissance provenant de l’organisme ou du milieu qui l’entoure. Ces sensations, en s’accumulant et en se répétant, se confondent tellement, par les lois de l'association, avec ces états de la conscience que nous appelons émotions, que les unes et les autres deviennent inséparables. Les sentiments primitifs changent d’aspect, en tant qu’ils ne peuvent plus se reproduire sans être accompagnés d’une conscience plus ou moins claire des éléments subjectifs et objectifs, qui les constituent.

Nous arrivons avant tout à la connaissance des causes extérieures qui participent à la transformation des sentiments. Prenons pour exemple l’évolution du sentiment de la faim. Imaginons un jeune animal carnivore qui est forcé pour la première fois de pourvoir lui-même à sa nourriture. Il ne connaît pas encore les procédés qu’il