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qu’il a tracée. Un va-et-vient du fluide nerveux qui subit des ébranlements spéciaux, une substance molle qui se modèle sur ces formes diverses de mouvement, voilà tout le secret de l’intelligence. L’idée simple, imprimée en un coin du cerveau, pourra d’ailleurs se réveiller et se présenter à la conscience sous forme de souvenir, toutes les fois que le sentiment intérieur, ce moteur essentiel de la machine, dirigera le fluide sur les traces subsistantes de cette idée.

C’est sur des principes analogues qu’est fondée l’explication des idées complexes qui ne dérivent plus directement de la sensation et qui sont formées d’idées simples déjà acquises. Représentons-nous le cerveau rempli, obstrué par les empreintes qu’y ont laissées les idées simples, et en même temps le fluide nerveux qui circule à travers ses fibres et ses cellules. Qu’arrive-t-il ? C’est que le courant se partage, suit différentes directions, traverse différentes images. Chaque courant partiel est modifié dans la forme de son mouvement par la nature particulière des images qu’il parcourt. Puis tous ces courants isolés, toutes ces masses diverses de fluide nerveux se réunissent de nouveau, et combinant leurs diversités ils forment un courant moyen, tout spécial, qui imprimera à l’organe des traces nouvelles, image d’un mouvement composé et par suite d’une idée complexe. Puis de nouveau, et comme tout à l’heure, le fluide nerveux transportera dans le sentiment intérieur le résultat de l’opération, et alors l’idée complexe surgira dans la conscience. C’est ainsi que les actes les plus élevés de l’intelligence ne seraient que des enchevêtrements de courants nerveux et des superpositions d’images matérielles.

L’auteur n’hésite pas à employer ces principes mécaniques à l’analyse des opérations les plus hautes de l’entendement, opérations que, dans un classement d’ailleurs arbitraire et mal fait, il ramène à quatre essentielles : l’attention, la pensée, la mémoire, le jugement. Ce qu’il importe de remarquer, c’est le rôle prépondérant, qu’il accorde à l’attention. À l’exemple de Lamarck, les physiologistes les plus récents déclarent que « l’attention marque la première phase de tout processus d’activité cérébrale »[1]. Condition essentielle du travail intellectuel, l’attention n’est pas une sensation, comme le voulait Condillac. Avant Laromiguière, Lamarck lui restitue son pouvoir propre. Mais, gêné par son système, il est obligé de lui retirer en réalité la prépondérance dont il l’investit en apparence et d’en faire une dépendance des facultés qu’elle est précisément chargée de provoquer à des fonctions supérieures. L’attention en effet est déterminée soit

  1. Voir M. Luys, le Cerveau, p. 173.