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avoir dans les corps autre chose que la force. — En vain, pour se tirer d’affaire, ajoutera-t-on au dynamisme pur l’idéalisme de Leibniz, et résoudra-t-on le mouvement en perceptions : 1° dans la perception même, il y a quelque chose de passif et qui ne peut se ramener à la force ; 2° cette proposition : que l’espace n’est que la manière dont les esprits s’apparaissent, n’est assurément pas évidente a priori, et, d’autre part, elle ne paraît être prouvée que par des principes tout aussi contestables, tels que « tout ce qui existe pour soi » ; « tous les êtres sont homogènes et, par suite, sont comme nous des consciences) », etc. ; 3° enfin que devient l’interprétation des phénomènes de la nature, dans le cas où la quantité n’est qu’une apparence, sous laquelle se cache la qualité, qui seule Constitue le réel des choses ? Il y a dans cette hypothèse un tel écart entre l’apparence et la réalité, entre le monde superficiel et illusoire de l’étendue et du mouvement et le monde substantiel, le monde vrai des esprits, qu’interpréter le premier en se plaçant au point de vue du second nous paraît une entreprise analogue à celle d’un homme qui tenterait de traduire dans la langue de la musique les théorèmes de la géométrie. — M. Dauriac a eu sans doute le sentiment de cette difficulté, et c’est ce qui explique peut-être qu’il ait cru pouvoir douer ses monades de la faculté de rayonner dans l’espace dont elles se réservent (on ne sait trop pourquoi) une certaine portion. Elles ont ainsi, selon lui, une « espèce de corps » ; mais, si l’espace n’a qu’une existence idéale, n’est-il pas visible que cette espèce de corps s’évanouit en idée, et qu’en définitive la physique est condamnée à se repaître d’apparences qui ne manifestent la réalité, c’est-à-dire l’esprit, que de la façon la plus grossière, la plus inexacte et la plus étrange ?

Somme toute, la partie solide de l’ouvrage de M. Dauriac est l’examen critique des principes et des postulats de la science moderne. Quant à la métaphysique idéaliste par laquelle il prétend interpréter cette science, nous craignons que l’ingéniosité et l’élégance du style de l’auteur n’en dissimulent pas suffisamment la fragilité.

H. Dereux.




G. von Gizycki. Philosophische Consequenzen der Lamarck-Darwin’schen Entwicklungstheorie. 1 vol. gr. in-8, xvi-97 pages. Winter, Leipzig et Heidelberg, 1876.

Si la philosophie a pour ambition de présenter à notre esprit « une conception compréhensive et scientifique du monde », on ne saurait douter que les idées contemporaines aient singulièrement agrandi et précisé ce domaine supérieur de la connaissance humaine. Il suffit, pour en être frappé, de mettre en regard des systèmes d’hier, la théorie astronomique de Kant et de Laplace, la théorie géologique de Lyell, la