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phisme, propose à notre adoration un Dieu dépouillé de tous les attributs qui pourraient lui donner quelque ressemblance avec notre nature, l’Inconnaissable d’Herbert Spencer. On veut, dit-on, empêcher l’homme de se prosterner devant les créations de son propre esprit ; mais s’il est une chose qui n’ait de réalité que dans notre pensée et relativement à elle, c’est bien l’inconnaissable. En soi, l’inconnaissable n’est rien ; pour une intelligence infinie, il ne saurait exister ; et, pour les intelligences finies, il varie dans la proportion de leur ignorance. En faisant de l’Inconnaissable son Dieu, c’est donc sa propre ignorance que l’homme adore.

Ces considérations préliminaires forment la matière de trois leçons : les sept autres sont consacrées au développement des principales preuves de l’existence de Dieu, qui sont, selon l’auteur, au nombre de quatre : la preuve tirée de la contingence de l’univers ; celle des causes finales ; l’argument moral, fondé sur le témoignage de la conscience et de l’histoire ; enfin la preuve métaphysique.

M. Flint établit, avec une grande force, selon nous, que « la nature n’est qu’un mot pour désigner un effet dont la cause est Dieu ». L’univers n’est qu’un effet ; toutes les découvertes de la science concourent à le démontrer. L’histoire naturelle, la géologie, l’astronomie, nous font assister à la genèse des espèces vivantes, des couches successives de l’écorce terrestre, de la planète même et du système dont elle fait partie. Pour rencontrer dans la nature quelque chose d’immuable, il faut, par delà les corps simples de la chimie, remonter jusqu’à l’atome, peut-être l’atome d’éther, substratum unique de toute matière. Mais l’atome n’est pas objet d’expérience. Son existence est pour nous une simple hypothèse. — D’ailleurs, l’atome immuable n’est pas l’atome éternel, et enfin, des atomes éternels, en nombre infini, ne sont pas l’univers. Il y a dans celui-ci une unité d’harmonie que la pluralité d’éléments primitivement isolés les uns des autres ne suffit pas à expliquer. Ces éléments fussent-ils éternels, il serait encore vrai que l’univers a une origine, qu’il est, par suite, un effet dont la matière ne peut être la cause.

La théorie la plus récente sur l’essence de la matière, celle des atomes-tourbillons (Vortex-Atoms), de W. Thomson, loin d’exclure l’acte créateur, en suppose au plus haut degré la nécessité. Si les atomes ne sont que les portions, çirculairement agitées, d’une matière parfaitement fluide, il est évident que ce mouvement rotatoire, une fois commencé, devra durer indéfiniment (les frottements étant nuls dans un milieu d’une fluidité parfaite) ; mais il n’est pas moins évident qu’il ne pourra commencer tout seul. La chiquenaude primordiale est indispensable pour créer les atomes, comme, dans le système de Descartes, pour mettre en branle les tourbillons.

Une leçon est consacrée à la preuve des causes finales, une autre à l’examen des objections contre cette preuve. Nous devons signaler, comme particulièrement remarquable, la discussion de l’évolutionisme.

Nous ferons des réserves sur la solidité de la preuve tirée du témoi-