Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
charpentier. — la logique du hasard

tion. Quelle qu’elle soit, le fait en lui-même n’est nullement sans importance au point de vue pratique. Qu’un agriculteur me demande si en plantant à Édimbourg des cépages bordelais, il récoltera du vin de Bordeaux, je ne serai nullement embarrassé pour lui répondre. Pensez-vous que je connaisse exactement toutes les variations que le thermomètre subira à Édimbourg pendant le cours de plusieurs années ? Pas le moins du monde. Mais je sais très-bien que dans le cours de plusieurs hivers le thermomètre à Édimbourg descendra assez bas pour que la vigne gèle ; et d’autre part je sais également que dans le cours de l’été le thermomètre ne se maintiendra pas assez haut pour que le raisin mûrisse, et cela suffit pour que je puisse répondre avec toute assurance.

Nous pouvons conclure que nous avons ici un objet d’investigation sérieux et important. Examinons-le, en nous laissant conduire par M. Venn qui est à coup sûr un guide excellent.

I


Jetons en l’air un penny un grand nombre de fois, 1,000 fois par exemple, et notons le résultat de chaque épreuve. Nous formerons ainsi une table qui représentera la série des épreuves. Cette table construite, si nous l’examinons avec soin, nous verrons qu’elle présente tout d’abord dans l’ordre de succession des épreuves une grande irrégularité. Que si nous comptons le nombre total des piles et le nombre total des faces contenus dans la table, nous trouverons que les deux nombres sont sensiblement égaux, ou, ce qui revient au même, que le nombre de piles est sensiblement la moitié du nombre total des épreuves. Que si nous partageons nos mille épreuves en groupes de dix ou de vingt ou de cent épreuves successives, nous observerons le même fait dans chaque groupe ; dans chaque groupe, le nombre des piles est à peu près la moitié du nombre d’épreuves que contient le groupe entier. C’est là un fait que nous constatons par l’expérience.

Analysons ce fait de plus près. La série que nous considérons se compose de cas ; chaque cas est formé d’un groupe de circonstances qui, dans chaque groupe, se distribuent en plusieurs classes : la première contient les circonstances communes à tous les cas de la série (qu’il y ait une pièce de monnaie ; qu’elle soit jetée en l’air au hasard ; qu’elle retombe sur une de ses faces) ; la seconde contient les circonstances qui donnent à chaque cas son caractère particulier (qu’il