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carrau. — moralistes anglais contemporains

maine semble-t-il donc décroître à mesure que les hommes sont plus éclairés ? Et les nobles jouissances de l’esprit, fruits assurés du savoir, ne tendent-elles pas à dégoûter des grossiers plaisirs et à rendre la chasteté plus facile en émoussant l’attrait des tentations qui pourraient la séduire ?


III


Quelques considérations intéressantes sur les types moraux terminent l’Introduction de M. Lecky.

On ne peut dire que certaines vertus s’excluent mutuellement ; il est cependant vrai qu’elles se groupent selon des principes naturels d’affinité ou de convenance : c’est là ce qui constitue essentiellement l’unité du type moral. « Les vertus héroïques, aimables, industrielles, intellectuelles forment ainsi des groupes distincts, et il est des cas où le développement d’un groupe est incompatible, non sans doute avec l’existence, mais avec le développement des autres… La soumission, la patience à supporter les injures, ne peuvent être des vertus capitales dans une société de type militaire, ni les vertus intellectuelles dans une société où l’esprit de foi aveugle est considéré comme la condition essentielle de la perfection… La beauté d’un type moral dépend moins des éléments qui le composent, que des proportions selon lesquelles ces éléments sont combinés. Les caractères d’un Socrate, d’un Caton, d’un Bayard, d’un Fénelon, d’un saint François d’Assise sont tous de beaux caractères, mais ils diffèrent génériquement, et non pas simplement quant au degré d’excellence. Essayer de communiquer à Caton le charme qui distingue François d’Assise, ou réciproquement, serait chose aussi absurde que de tenter d’unir dans une même statue les beautés de l’Apollon et celles du Laocoon... Supprimez l’orgueil du Stoïcien antique ou de l’Anglais moderne, et vous détruisez du même coup le fondement de quelques-unes de leurs plus nobles vertus ; tandis que l’humilité était le principe même et la racine des qualités morales de l’ascète. Il n’y a dans la femme aucune disposition vertueuse qui ne le soit également dans l’homme ; pourtant cette hiérarchie de vertus qui constitue la femme parfaite ne conviendrait aucunement à un homme parfait. Le type moral est à ce point de vue comme le type physique. La beauté de l’homme n’est pas celle de la femme ni la beauté de l’enfant celle de l’adulte… Tous les types de caractère ne sont pas bons, de même que tous les types physiques ne sont pas