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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/431

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analyses. — gizycki. Die Philosophie Shaftesbury’s

nir), ensuite de notre propre corps et enfin des objets extérieurs » (p. 183).

M. Horwicz caractérise assez justement son système en l’appelant un darwinisme interne, c’est-à-dire un transformisme s’appliquant aux modes de l’activité psychologique, au lieu de régir le développement des espèces. Cette tentative est trop conforme aux tendances de synthèse et d’unification que manifeste partout la science contemporaine pour ne pas être regardée avec faveur ; mais, dans l’intérêt même de la science, il faut se garder des généralisations prématurées et ne pas se fier aveuglément à des identités souvent plus apparentes que réelles. Nous accordons à l’auteur qu’on ne doit parler ni de pensée exclusivement théorique, ni de sensation exclusivement affective ; mais, dans le fait sensible le plus rudimentaire, ne faut-il pas distinguer avec soin la face tournée vers le dedans, savoir l’impression agréable ou pénible, et la face tournée vers le dehors, savoir la mise en rapport du sujet pensant avec un objet extérieur ? L’emploi indifférent des mots sensation et sentiment, trop fréquent chez M. Horwicz, a engendré une certaine équivoque qu’il importerait de dissiper : l’intelligence et la sensibilité, facultés inséparables et dont les relations sont intimes et profondes, ne sauraient sans danger être confondues. Cette réserve faite, nous applaudissons de grand cœur à la finesse et à la justesse d’observation qu’a montrées M. Horwicz dans son tableau de l’évolution graduelle des formes de la pensée, depuis le simple mouvement réflexe jusqu’au raisonnement le plus compliqué. Quant à la partie métaphysique de l’ouvrage, on a vu les critiques qu’elle peut susciter ; elle exigerait, croyons-nous, une refonte complète. Ce n’est pas en effet par l’intelligence ou la sensibilité que nous pouvons sortir du règne du subjectif : la dialectique peut détruire ce que la dialectique édifie. C’est à une autre faculté que l’on doit avoir recours, et le Cogito ergo sum lui-même est un acte de foi naturelle, c’est-à-dire un acte de volonté. Peut-être l’auteur n’est-il pas fort éloigné de cette manière de voir et n’avons-nous pas pénétré assez avant dans sa pensée ; en tout cas, nous ne sommes pas le seul coupable, et nous engageons de nouveau M. Horwicz à méditer le sage aphorisme de Vauvenargues : « La clarté est la bonne foi du philosophe. »

Théodore Reinach.


G. von Gizycki. Die Philosophie Shaftesbury’s. 1 vol. gr. in-8, 200 pages ; Winter, Leipzig, 1876.

Monographie exacte. On regrette que l’auteur de cette étude n’ait point fait ressortir avec plus de vivacité la sympathique figure de Shaftesbury, en replaçant son philosophe au milieu des orthodoxes et des libres penseurs anglais du xviiie siècle naissant. Cet élève de Locke à la libre allure, dont la manière de penser annonce l’école écossaise,