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compayré. — psychologie de l'enfant

rappelle les douces impressions de l’allaitement, à la servante parce qu’elle le berce mollement. L’habitude, la familiarité joue aussi un rôle dans le développement des affections naissantes d’une sensibilité qui s’effraye de tout ce qui est nouveau, inconnu. Plus tard, lorsqu’aux plaisirs du goût, du contact, s’ajouteront ceux de la vue et de l’ouïe, la sympathie déterminée par ces nouvelles sensations agréables se portera sur les objets colorés ou sonores, sur les animaux, par exemple, qui, par la grâce de leurs mouvements ou la vivacité de leurs cris, donnent à la vue et à l’ouïe de l’enfant l’occasion de s’exercer. La sympathie enfantine, en résumé, suit pas à pas les manifestations successives du plaisir sensible. Au bout de peu de temps cependant, l’enfant arrivera à faire une comparaison instinctive entre les divers plaisirs qu’il a éprouvés : il aura par suite ses préférences. M. Pérez en donne un exemple frappant. « Un enfant de douze mois qui revint dans la maison paternelle après un mois d’absence, vit avec indifférence un chat bien connu se frotter sur sa robe en ronronnant. Il fit à peine attention au chien qu’il avait vu tous les jours dans la cour, avec lequel on l’avait laissé jouer quelquefois et dont il disait très-souvent le nom. Il fallut bien une dizaine de minutes pour qu’il redevînt familier à l’un et à l’autre. Mais, à peine vit-il une bonne vieille servante venir de son côté, avant même qu’elle l’eût appelé par son nom, il rit et lui tendit les bras, en faisant de joyeux soubresauts. » Ici évidemment se fait jour, en dehors de tout appétit sensible, la sympathie naturelle de l’homme pour l’homme[1].

Après les observations sur la sensibilité viennent, dans le livre de M. Pérez, les recherches sur la motricité instinctive et sur la motricité volontaire : nous ne nous y arrêterons pas. Disons seulement que, pour la première série de ces phénomènes, les mouvements automatiques et réflexes, le journal de l’auteur est encore fort incomplet, ce qu’il avoue d’ailleurs de bonne grâce : « Le sujet est neuf, et je le signale aux observateurs sérieux. » Ajoutons, sans vouloir décourager les observateurs auxquels M. Pérez fait appel, que ces phénomènes de mouvement instinctif offrent moins d’intérêt que d’autres au psychologue, parce qu’ils n’ont le plus souvent d’autres causes que les fonctions organiques, parce que la conscience y est infiniment petite, quand elle n’est pas complètement absente. Quant au chapitre consacré à ce que l’auteur appelle la

  1. Nous n’avons jamais rien remarqué chez les enfants de quelques mois qui justifiât l’affirmation de M. Darwin : Deux de mes fils, dit-il, se sont mis à sourire dès le 45e ou le 46e jour, et c’était surtout en regardant leur mère qu’ils souriaient ; « ils y étaient donc probablement excités par quelque cause intellectuelle. » L’enfant de deux mois n’a encore rien d’intellectuel ; il est tout entier dominé par les impressions sensibles.